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carène du Borodino, s’échappant sur ses glissières, entre dans la Néwa.

La cérémonie achevée, nous procédons à la visite des ateliers. L’Empereur est partout acclamé. De temps à autre, il s’arrête pour causer avec des ouvriers en souriant. Lorsqu’il reprend sa marche, les acclamations redoublent.

Et pourtant, hier encore, on me signalait, dans ces mêmes ateliers, un travail inquiétant de fermentation révolutionnaire !



Dimanche, 1er août 1915.

La Douma a repris séance aujourd’hui, dans une atmosphère ardente, lourde et qui annonce l’orage. Les figures sont comme électrisées : l’expression dominante est la colère ou l’angoisse.

Parlant au nom de l’Empereur, le vieux président du Conseil, Gorémykine, enfle autant qu’il peut sa voix mourante pour déclarer : « Toutes nos pensées, tous nos efforts doivent se concentrer dans la conduite de la guerre. Le Gouvernement n’a qu’un programme à vous proposer, celui de la victoire. »

Puis, le général Polivanow, Ministre de la Guerre, résume avec une sobre et chaleureuse énergie ce programme de victoire : « Notre armée ne peut vaincre que si elle sent derrière elle le pays tout entier, organisé comme un immense réservoir d’où elle puisse tirer inépuisablement son alimentation. »

Lorsqu’il descend de la tribune, il est acclamé, car il rencontre dans l’assemblée autant de sympathie que son prédécesseur Soukhomlinow y soulevait de haine et de mépris.

La suite de la séance et les conversations des couloirs ne laissent aucun doute sur la volonté ou plutôt les volontés de la Douma : mettre fin aux abus et à l’impéritie de l’administration ; rechercher les responsabilités encourues, si hautes soient-elles ; exiger des sanctions éclatantes, organiser le concours de la représentation nationale et du Gouvernement pour mettre au service de l’armée toutes les forces productives du pays ; enfin, entretenir et vivifier dans l’esprit public la résolution inébranlable de poursuivre la guerre jusqu’à la victoire intégrale.



Jeudi, 5 août 1915.

Les débats sont de plus en plus ardents au Palais de Tauride. Séances publiques ou séances à huis-clos, c’est un réquisitoire