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Tuquet, il renonça au projet. Il était appelé à de tout autres destinées, et, sans le comprendre, il les servait ainsi.

Une volonté supérieure le tient. Elle le pousse à l’action ; elle le fouette ; elle le mène vers son but caché. La voix du désert s’élève de nouveau. Dès le début de septembre, Charles est à Nice, chez son beau-frère, M. de Blic, confident de ses pensées. Quelles sont-elles ? Ne le devine-t-on pas ? Il va repartir ; il va au Sud, bien entendu ; il veut visiter les oasis et les chotts de l’Algérie et de la Tunisie. Peut-être n’est-ce là que le prélude d’un plus grand voyage ? Je connais l’un de ses intimes amis, qui croit que l’intention secrète de l’explorateur était d’étudier les moyens et de chercher le meilleur point de départ pour une traversée du Sahara. Qui peut le dire désormais ? Foucauld ne confiait guère ses projets, et ne racontait pas ses souvenirs. A la veille d’entreprendre cette « excursion, » comme il disait, dans les régions des chotts, il voyait se lever parfois vers lui le regard inquiet de sa sœur. « Ne crains rien, répondait-il, je n’aurai aucun mal ; avec des ménagements, on peut passer partout. »

Le 14 septembre, il s’embarqua à Port-Vendres pour Alger. Quelques semaines plus tôt, il avait écrit à son ami de Vassal, qui se trouvait à El Goléa, le priant de lui procurer deux chameaux, deux chevaux, et d’engager un domestique arabe pour l’expédition.

L’itinéraire ne nous est pas connu dans toutes ses parties. Nous savons seulement que Foucauld, pénétrant au Sud de la province d’Oran, visita Laghouat, puis, encore plus au Sud, l’oasis de Ghardaïa et ce Mzab si peu hospitalier, où il devait revenir un jour sous le costume de moine et se concilier la sympathie d’un peuple entre tous hostile aux chrétiens ; puis El Goléa, Ouargla où le lieutenant Cauret était chef de poste (fin de novembre 1885) ; Touggourt ; la région du Djerid, entre le Chott et Gharsa et le Choit el Djerid. Route immense, dans des pays désolés, où il faut voyager bien des jours et dormir bien des nuits, avant d’apercevoir, pâlie par la lumière aveuglante, la tache verte d’une palmeraie. Si vous tentez de la suivre sur l’atlas, vous trouverez quelques noms imprimés entre ceux des étapes que j’ai citées. Mais que désignent-ils ? non pas des villages, comme en Europe, ou des rivières courantes, mais des dunes, des étendues pierreuses, des fleuves fossiles, des