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Je crois à chaque instant voir arriver un courrier, mais rien, toujours rien. Pourtant voici trente-cinq jours aujourd’hui que sont parties mes premières lettres ;... je demeure toujours dans le même hôtel juif... La colonie française est ici très peu nombreuse : le Consul, le Chancelier et sa femme, un négociant et sa femme, un missionnaire anglican nationalisé Français, un Alsacien. Le missionnaire est un homme fort aimable et fort comme il faut. Il est marié et a presque toujours des amis d’Europe dans sa maison. Il s’y trouve en ce moment une jeune Anglaise très bien, parlant parfaitement le français. Je trouve très agréable d’aller de temps en temps passer la soirée dans cette maison, où j’entends chanter le Lac et surtout l’Envoi de fleurs, qui me rappellent un bien heureux temps : mais qu’il est loin déjà !... Cependant, sitôt qu’arriveront vos lettres, je me sauverai au galop vers le Sud. »

Charles de Foucauld, dans une lettre, prétend ne pas savoir dessiner. Si l’on ouvre la Reconnaissance au Maroc, on trouvera, en sous-titre : Ouvrage illustré de 4 gravures et de 101 dessins, d’après les croquis de l’auteur. Ces dessins, quelques traits à la plume, mais composés avec un sentiment très sûr du paysage, mais tracés avec un évident scrupule d’exactitude, et qui représentent montagnes, oasis, maisons, ravins, plaines immenses, ajoutent singulièrement à la beauté de l’ouvrage, et offrent du chemin à l’imagination. Sans doute, on voudrait voir la vraie couleur de ces roches, de ce désert, de ces palmeraies au soleil, mais, si imparfaite que soit une simple illustration au trait, elle suffit pour guider nos yeux, qui se souviennent aussitôt, et l’emplissent de lumière.

L’argent reçu, Foucauld, avec le Hadj bou Rhim, repart de Mogador pour Tisint, le 14 mars 1884, mais par une route différente de celle qu’il a parcourue à l’aller. Parvenu à l’Oued Sous, au Sud d’Agadir, il suit à quelque distance la rive droite du fleuve : « Je le verrai toute la journée, serpentant au milieu des tamaris, entouré de cultures, avec de grands oliviers ombrageant son cours, et deux rangées de villages échelonnés sur ses rives... Le fleuve, avec sa bordure de champs, d’arbres et d’habitations, forme une large bande verte, se déroulant au milieu de la plaine, dix mètres au-dessous du niveau général. Un talus relie la dépression au sol environnant. Je marche au Nord du talus, dans la plaine du Sous. C’est une