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L’autre, toisant ce piéton crasseux et vêtu de loques, et connaissant les ruses des clients de la Porte, le prit fort mal.

— Va t’asseoir dehors, le dos au mur : on ne voit pas le Consul comme ça !

Charles de Foucauld alla s’étendre, près du mur, et demeura là quelque temps. Puis, revenant à Zerbib :

— Donnez-moi un peu d’eau, et indiquez-moi, je vous prie, un coin où je puisse me déshabiller et me laver.

Pendant qu’il se dévêtait, dans un réduit voisin, quelqu’un regardait par le trou de la serrure. C’était Zerbib : à sa grande stupéfaction, il voit que ce vagabond était porteur d’une quantité d’instruments de physique, cachés dans les poches ou les plis des vêtements l’un après l’autre déposés sur le sol. « Après tout, se dit-il, je puis me tromper, et il peut dire vrai. »

Aussitôt, il va prévenir son chef. Le vicomte de Foucauld est introduit près de M. Montel, chancelier du Consulat. La première question qu’il pose est celle-ci : « Avez-vous reçu les lettres que j’ai adressées ici, pour ma famille ? » Hélas ! de toutes les lettres qu’il a écrites, depuis huit mois, pas une n’est parvenue encore. Il écrit donc, sans plus tarder, à sa sœur Marie, lui disant d’abord qu’il n’a jamais été une minute malade, qu’il n’a jamais couru le moindre danger. Cette assertion n’était pas d’une parfaite exactitude.il ajoute que quatre mille francs, sur les six mille qu’il avait à sa disposition pour le voyage, ont été dépensés, et qu’il a laissé en réserve deux mille francs qu’il vient maintenant chercher. « En partant, je te disais : Je resterai un an ; au fond du cœur, je croyais rester au plus six mois. Je ne te disais le double que pour que tu ne t’inquiètes pas, au cas où mon absence se prolongerait ; et voici que la parole que je te disais se trouve être le vraie : mon voyage aura duré bien près d’un an. Voici huit mois que je suis parti : je vais passer ici un mois environ, à attendre de tes nouvelles et de l’argent, puis je repartirai pour le Sud, et je retournerai en Algérie, s’il plaît à Dieu, par le chemin suivant : Mezgita, Dadès, Todra, Ferkla, Qçabi ech Cheurfa, cours de l’Oued Mlouïa, Debdou, Oudjda, d’où je rentrerai en pays français par Lalla Marnia ; il me faudra près de deux mois et demi pour tout cela. Quel bonheur, ma bonne Mimi, aussitôt ma rentrée en Algérie, de prendre le paquebot et de courir. auprès de toi !...

D’autres lettres à sa sœur racontent, avec agrément et vivacité,