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vivrons-nous en paix, comme les gens de Tlemcen ? » Et de faire des vœux pour que ce jour soit proche : l’arrivée n’en fait point de doute pour eux ; ils partagent, à cet égard, l’opinion commune à une grande partie du Maroc oriental, et à presque toute la haute classe de l’empire... »

Sefrou est florissante, au contraire, pleine de maisons bien bâties en briques et blanchies. Le voyageur s’y promène dans des « jardins immenses et merveilleux..., grands bois touffus dont le feuillage épais répand sur la terre une ombre impénétrable et une fraicheur délicieuse. »

Ces excursions achevées, le terrible chemin étant ouvert enfin, l’explorateur peut gagner Meknès, et de là Bou el Djad, où il arrive le 6 septembre.

« Ici, ni Sultan ni Makhzen : rien qu’Allah, et Sidi Ben Daoud. » Ce grand personnage, à peine l’a-t-il vu, témoigne au rabbin Joseph Aleman des égards tout à fait singuliers. La Reconnaissance au Maroc n’y fait aucune allusion ; mais dans la troisième note manuscrite que j’ai annoncée, Charles de Foucauld raconte tout au long l’aventure émouvante qui lui advint dans la ville de Bou el Djad.

« J’eus des relations avec plusieurs membres de la famille de Sidi Ben Daoud. Je les ai tues dans mon ouvrage, parce que si la connaissance en était parvenue an Sultan, cela aurait créé des dangers à mes amis de Bou el Djad. A toi, mon cher François, je vais les raconter.

« J’arrivai à Bou el Djad escorté par un petit-fils de Sidi Ben Daoud ; le Sid m’avait envoyé ce protecteur distingué après avoir reçu une lettre d’un grand seigneur de Fàs, son ami, le Hadj Tib Qçouç. Pour faire honneur jusqu’au bout à cette recommandation, il me donna audience dès mon arrivée dans sa ville ; Mardochée et moi fûmes reçus et interrogés séparément ; nous nous présentâmes comme deux rabbins de Jérusalem établis depuis sept ans à Alger. A peine sortis de la demeure du Sid, nous vîmes un musulman, assis au milieu d’un groupe, nous faire signe d’approcher ; celui qui nous appelait était le second fils de Sidi Ben Daoud, Sidi Omar ; il nous introduisit chez lui, et se mit à poser des questions sur l’Algérie. Pendant ce temps, le Sid faisait venir les principaux Israélites de la ville, leur commandait de nous bien recevoir, et désignait l’un d’eux pour nous donner l’hospitalité en son nom. Ces deux