Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/938

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’alors, ce sera notre droit que nous exercerons. » Évidemment, M. Briand n’a voulu indiquer là qu’une possibilité extrême et un pis-aller. Il compte bien que nous n’aurons pas à agir isolément et que les Alliés ne se sépareront pas au moment décisif. En tout cas, la fermeté, la mesure et l’opportunité de son discours lui ont valu un très grand et très légitime succès. L’affichage eût été voté à mains levées, si le Président du Conseil n’avait invoqué, en souriant, la nécessité des économies. A la vérité, c’est en Allemagne qu’il faudrait placarder partout cette admonestation trop méritée, et nos services de propagande feraient bien de la répandre, non seulement sur la rive gauche du Rhin, mais dans toutes les provinces du Reich.

Il ne nous reste maintenant qu’à ne pas nous laisser prendre « aux dernières convulsions de la ruse » et à ne plus reculer la coercition solennellement annoncée, quelques efforts que fasse l’Allemagne, dans l’intervalle, pour amuser les Alliés et pour tromper l’Amérique. M. Briand nous a mis en garde contre ces tentatives. Il saura, n’en doutons pas, les déjouer. « La minute suprême approche, a-t-il répété. La France, d’accord avec ses alliés, est bien « décidée à avoir le dernier mot. Nous sommes résolus à faire consacrer notre créance au besoin par la force. » Comment ne pas nous féliciter sans réserves de voir le Gouvernement prendre une attitude qui répond aussi exactement aux vœux du pays ? L’accueil fait, quelques jours plus tôt, à un remarquable discours de M. Ribot, avait déjà montré que le Sénat, interprète fidèle de l’opinion publique, était à bout de patience. Après les lumineuses explications de M. Briand, tout le monde saura, en Allemagne et ailleurs, que la France ne veut que son dû, mais qu’elle veut tout son dû.

La discussion sénatoriale a fourni, du reste, au Président du Conseil l’occasion de toucher à d’autres questions encore que celles dont le Traité de Versailles est quotidiennement la cause ou le prétexte. En réponse à un très intelligent et très spirituel discours de M. Henry de Jouvenel sur la Russie soviétique, sur le danger que courrait la France, si elle se laissait devancer à Moscou, et sur l’utilité pour elle de s’entendre, dans les affaires russes, avec les États-Unis, M. Briand a repoussé l’idée d’un traité, même purement commercial, avec un pays désorganisé, dont nous n’avons pas reconnu le gouvernement, mais il s’est engagé à se tenir, dans l’examen ultérieur des circonstances, en communication étroite avec l’Amérique, dont la politique, a-t-il dit, s’accorde avec la nôtre. En réalité, la question reste ouverte ;