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traitait « d’impertinent, » et son oncle, le président de Harlay, de « fou. » Sa correspondance révèle un homme plat à l’égard des puissants, agité, impulsif à l’égard des autres. Nommé évêque de Saint-Malo, il vécut dans son diocèse de Bretagne occupé à faire du zèle plutôt politique qu’épiscopal, à se disputer avec son chapitre, les moines ou les gens des Etats de Bretagne. En 1635, venu à Paris pour assister à l’assemblée du clergé, il blesse vivement Louis XIII et Richelieu par une intervention insolente à propos d’une lettre du Roi, assez impérative, adressée aux évêques sur le sujet d’un don gratuit que l’assemblée chicanait au Gouvernement. Harlay prend feu, déclare avec véhémence que la lettre du Roi est « injurieuse » et fait décider par l’assemblée qu’elle ne discutera pas l’affaire, tant que la lettre royale n’aura pas été retirée ! On voit d’ici le scandale et de quelle façon Louis XIII et Richelieu pouvaient accueillir pareille « impertinence. » Louis XIII ne pardonna jamais. Les lettres de Harlay révèlent la préoccupation constante de celui-ci d’effacer la mauvaise impression laissée par son incartade de 1635, et voilà qui ne facilite guère l’hypothèse de Richelieu choisissant, entre mille, pareil personnage pour lui confier la tâche délicate d’écrire sa vie.

Et Harlay n’écrit certainement pas cette vie. Il n’est que de lire ce qu’il dit dans ses lettres à Richelieu ou à ses secrétaires. Le 20 décembre 1634, il supplie Charpentier de ne pas l’oublier auprès du cardinal, ajoutant modestement : « moi qui ne suis bon à rien, car pour prier je ne suis pas assez bon, pour servir, je suis trop inutile. » Il ne parle que de « se retirer avec Dieu en lui-même pour le plus long temps qu’il pourra. » Du fond de son diocèse, préoccupé de sa disgrâce, il dit humblement à Richelieu la joie extrême que lui a causée un simple billet qu’a daigné lui adresser le cardinal : « Il m’a comblé de confusion (ce billet) pour la connaissance que j’ai de mon indignité... et l’honneur de votre bienveillance, bien que je ne la mérite pas. » Faisant allusion à l’incident qui pèse sur lui, il dit ailleurs : « Je puis errer, mais non jamais pécher envers Votre Éminence. » Il affirmera à Charpentier qu’il n’a d’autre occupation dans sa vie que de « s’acquitter de sa charge » et Richelieu ayant daigné lui faire envoyer une Relation du siège et de la reddition d’Arras, brochure dont il est l’auteur, l’évêque de Saint-Malo répond au cardinal une lettre pleine d’effusion