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maternelle ! Ce fut plutôt une explosion de vanité puérile, qui se traduisit surtout en bavardages de café, en articles de journaux et en manifestations oratoires. Cependant, si le mot d’oppression est trop fort pour caractériser l’attitude des Magyars envers leurs Nationalités, il faut pourtant reconnaître qu’il ne les traitaient pas en égales. Ils ne firent rien, ou presque rien, pour leur développement matériel, intellectuel et moral. Une superbe indifférence, ce fut leur maladresse et leur faute. Comme disait pittoresquement quelqu’un : les populations non magyares ne voyageaient pas à pied ; on les mettait en troisième classe.

La Hongrie qui s’était leurrée sur les intentions des Alliés, avait mis aussi trop d’espoir dans le loyalisme de ces peuples qu’elle avait trop négligés. L’autonomie dans le cadre de l’État hongrois qu’on leur promettait aujourd’hui, ne les satisfaisait plus. Au lendemain même de l’armistice, les Roumains de Transylvanie avaient formé un Comité National et réclamaient leur complète indépendance. Oscar Iaszi s’empresse de se rendre à Arad, pour conférer avec les délégués roumains. Mais c’est en vain qu’il veut les persuader de rester fidèles à la Hongrie et de former avec elle une sorte de Suisse orientale. Les autres ne veulent rien entendre. Alors il fait jouer lui aussi la menace du bolchévisme : « Prenez garde leur dit-il. La paix n’est plus désormais dans la main des Foch et autres généraux de l’Entente qui, comme nous venons de le voir à Belgrade, ne sont en rien différents des Hindenburg et des Ludendorff. La paix sera faite par la République européenne des Soviets. Les promesses que certaines Puissances ont faites aux impérialismes tchèques et autres, cette République n’en tiendra aucun compte. Moscou vient d’accréditer comme représentant à Budapest le camarade Rakowski. Ce sont des hommes comme lui qui dicteront la paix et non les impérialistes... »

Dans ces paroles de Iaszi quelle part convenait-il de faire à la feinte diplomatique et à la sincérité ? Personnellement, ce bourgeois radical répugnait au communisme ; mais dans la débâcle de ses illusions sur l’Entente et sur le loyalisme des Nationalités (ce qu’on voyait en Transylvanie se passait en même temps chez les Ruthènes, les Slovaques et les Serbes) lui aussi, il entrevoyait, comme un vague et dernier espoir, un tel bouleversement