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en 1859, elle s’écria : « Ceci est un grand moment dans l’histoire. Plaignons ceux qui ne le comprennent pas, et bénissons cette milice ardente qui, au péril de sa vie, va résoudre le plus grand événement du siècle. Noble Allemagne de Luther, de Leibnitz, de Gœthe et de Lessing, peux-tu en douter[1] ! » Mais quelques mois plus tard, lorsque F. Buloz se hasarde à lui parler de la paix, George rudement lui répond : « Oui, elle est propre la paix ! j’avais le cœur tout chaud et tout vivant pendant mon voyage. En apprenant de ville en ville une victoire, je reprenais foi à l’avenir. Mais… si j’écrivais maintenant ce que je pense et ce que je sens, je me ferais envoyer à Cayenne. Comment donc garder son âme dans le travail quand un pouvoir absolu et fanatique condamne au silence et à l’hébétement toutes gens et toutes choses[2] ! »

Pendant que sa mère belliqueuse rêvait de victoires et de combats, Maurice s’est livré aux douceurs des lettres. Il a écrit son livre : Masques et Bouffons en quatre mois, il l’a illustré aussi, et c’est Manceau qui a gravé les dessins. George est satisfaite de cette œuvre ; elle affirme que c’est un tour de force, et demande à son ami F. Buloz, pour Maurice, un « coup d’épaule. » Et bientôt dans la Revue, voici un article de M. Lataye sur le livre de Maurice… George est-elle satisfaite ? Oui.

« Je vous remercie, mon cher Buloz, du bel article que vous avez publié sur le livre de Maurice, et j’en remercie l’auteur à qui je vous prie de faire tenir cette lettre ; pourtant, je réclame pour Ruzzante, à qui M. Lataye ne rend pas entièrement justice. Ce n’est pas beau par endroits seulement, c’est beau ou joli presque d’un bout à l’autre. » Et elle désire écrire un article de fond sur ce poète ; elle l’écrira, elle ou Maurice ; F. Buloz désire-t-il cet article pour la Revue ? Sa lettre est tout amicale ; pourtant elle sait y glisser aussi une pointe. Elle travaille actuellement pour la Presse, et se prépare à subir le supplice du feuilletonnage ; et voici la pointe : « Pourquoi n’avez-vous pas plus souvent besoin de ma prose, ou pourquoi n’ai-je pas su me faire de rentes[3] ? »

À cela, F. Buloz répond le 4 novembre :

  1. La Guerre, plaquette, 15 mai 1859.
  2. Nohant, 4 août 1859. Inédite.
  3. 4 décembre 1859. Inédite.