journaux[1] de vigne. Le marquis Costa de Beauregard, propriétaire à la Motte Servolex et son voisin, possédait précisément une vigne enclavée dans la propriété de Ronjoux : F. Buloz désira ardemment cette vigne… Le marquis, près de sa fin, la lui céda, et l’on vit F. Buloz, reconnaissant, suivre pieusement la dépouille du défunt aux obsèques, et louer ses vertus dans la Revue des Deux Mondes. Je possède, touchant l’histoire de la vigne, un petit dossier de lettres fort divertissant. « Tout s’arrange, » dirait un de nos modernes philosophes. Il est probable que le marquis Costa vit d’un mauvais œil l’arrivée de son nouveau voisin. Quelle influence celui-ci exercerait-il dans ce pays de Savoie, qui subissait depuis si longtemps celle du marquis ? Allait-il s’attaquer aux vieilles coutumes ? chercher à améliorer le sort des paysans ? parler de progrès ? Lorsque, près de mourir, le marquis Costa revint sur ses préventions, les rancunes anciennes s’évanouirent. Voici la lettre du fils, écrite au lendemain de la mort de son père, et exprimant les dernières volontés du noble voisin de F. Buloz :
« Je viens franchement et loyalement, monsieur, vous tendre la main. Votre cœur comprendra le sentiment qui me fait agir. Mon père semble avoir désiré la démarche que je fais aujourd’hui. À tort ou à raison, monsieur, je croyais avoir à me plaindre de vous, oublions un passé qui n’existe plus. Je suis prêt à faire ce que vous désirez, veuillez dès aujourd’hui considérer la vigne de Ronjoux comme vous appartenant. C’est une consolation pour moi au milieu de mon chagrin, de faire ce que mon pauvre père a désiré voir faire[2]. »
Après cela, dans le numéro du 1er octobre 1864, Forcade consacre une page de sa chronique à la mort de M. Costa de Beauregard, « serviteur et ami du roi Charles-Albert, unissant à un esprit de tradition conservatrice une intelligence libérale, … le plus notable représentant de Savoie dans le parlement de Turin, etc. » Dans les premiers jours d’octobre, nouvelle lettre du fils du marquis à F. Buloz, fort reconnaissante et animée des meilleures intentions :
« … L’article de la Revue, si bien pensé, si bienveillant pour la mémoire de mon pauvre père, m’a vivement touché et impressionné. Il y a peu d’hommes qui, comme lui, aient réuni