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pas la pensée séparée de l’action, qui ai la même horreur des intellectuels rachitiques que des soudards imbéciles, j’étais bien dans l’état d’âme propice à ce pèlerinage.


C’était toute une cité religieuse et sportive, où alternaient en proportions presque égales les temples et les stades, les autels et les palestres. La mission allemande y a fait, voici quinze ans, ce que nous commençons à Delphes ; — elle a dégagé les ruines des alluvions de l’Alphée ; — il n’y a pas, hélas ! un monument debout, mais les enceintes, les dallages, les soubassements des murs, les bases des colonnes ont été restitués, et le plan se dessine assez clairement sur le sol, pour, l’histoire en main, ressusciter la ville morte. J’ai passé ma journée entière dans les ruines, évoquant le groupement humain et l’époque où il m’a toujours paru que j’eusse préféré vivre ma vie dans le temps et dans l’espace : vie d’harmonieux équilibre entre le culte de la beauté et les nobles spéculations de l’esprit : l’Hermès, le Phêdon.

Sous les ensablements se sont retrouvés les plus précieux morceaux ; on les a réunis sur place même, dans un petit musée. En face l’un de l’autre, les débris des deux grands frontons du temple de Zeus, l’un, l’Oriental, raide et glacé, l’autre qui figure la lutte des Centaures et des Lapithes, d’une fougue et d’une vigueur incomparables : quelques très beaux métopes (tu connais celui qui est au Louvre), la « Victoire » de Pœonios, le collaborateur de Phidias au Parthénon ; et enfin, et surtout, isolé dans une petite salle où il resplendit, le plus beau marbre que je sache au monde, l’Hermès de Praxitèle portant Bacchus enfant. Et ce marbre, noble et fort, souriant et vivant, chaud comme la chair, c’est tout Olympie.


Encadrant les vestiges épars, le site est exquis, d’autant plus qu’inattendu. C’est un vallon de tableau mythologique italien, enclos de petites montagnes bénignes et vertes, des bouquets d’arbres, des architectures effondrées.


Et voici une note humoristique que je ne prévoyais pas ; tandis que je m’en revenais diner à l’hôtel, un gardien, très perplexe, me remet une carte postale écrite en français, qui venait d’être apportée de la poste au bureau, avec la mention