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je m’en étonne, mais il m’explique qu’ils sont nombreux aux Cyclades, descendants de familles italiennes, épaves des conquêtes du Moyen Age, fait sonner très haut l’antiquité de sa famille et de son blason, et étale son mépris des Grecs de race et de religion.


Nauplie, 10 juin, 6 heures du matin.

En prenant mon café au lait, devant l’hôtel, sur la place de Nauplie, une place d’Italie, intime, ensoleillée et fraîche encore de la nuit. De beaux platanes : à gauche, les cinq coupoles d’une vieille mosquée abandonnée ; à droite, la caserne, vieil édifice sur arceaux, aux murs en bossage, qui parait être un vieux couvent. La cour de la caserne, c’est la place et tout se passe en famille, les officiers prennent leur café sous les platanes ; ceux qui sont de service se lèvent, rentrent et ressortent ; tous les quarts d’heure, un clairon lance des sonneries, la main dans la poche, très nonchalant. Je ne pense pas qu’il les sonne pour son plaisir et pourtant elles ne semblent intéresser personne et je n’en vois sortir ni un exercice ni un rassemblement. Ils ont tous l’air d’être là pour s’amuser, et, mêlés aux officiers, aux soldats, aux employés en costume banal, se promènent les gens du pays en costume national avec ce joli pas, très jeté en avant, très rythmé, qui m’a frappé dès mon entrée dans le Péloponèse, et qui s’accorde si bien avec les jambes bien moulées dans la haute guêtre blanche, sous le petit jupon de ballerine à plis empesés, la fustanelle, au genou une jarretière bleue, aux pieds des babouches rouges à pompons de laine.


Au même endroit, 10 heures du matin.

Ah ! la jolie matinée ! D... a voulu me mener à l’église catholique et chez le curé, et en faisant sa joie, j’ai fait la mienne. Au sommet d’une rue levantine, étroite, resserrée encore par les auvents des boutiques, escaladant les flancs du roc, une vieille mosquée devenue l’église San Spirito et la cure ; et l’une et l’autre mêlées font un enchevêtrement de coupoles, d’escaliers, de terrasses, de petits cloîtres étages, grimpant les uns sur les autres et regardant le beau golfe bleu. Le curé est tout vieux, avec une grande barbe blanche. C’est « don Giorgio Sargolagos, parrocco della chiesa cattolica di Nauplia. » il me prend les mains, si joyeux, si convaincu que, de par le monde,