autres hommes. Pour ma part, je conçois très bien, par exemple, qu’un jour, que j’espère prochain, tous ceux qui aspirent à des fonctions politiques et gouvernementales soient astreints à faire un petit stage à l’Observatoire ; ce sera parfait, à condition qu’on les y confle à de vrais astronomes. Mais la science et surtout l’astronomique n’est pas seulement cela, elle n’est pas seulement la meilleure école de l’agnosticisme, la meilleure préparation à admirer la mystérieuse majesté de l’univers. Elle nous apprend, elle nous enseigne vraiment sur celui-ci bien des choses passionnantes et merveilleuses. Tout ou rien est une mauvaise règle de conduite à qui veut savoir. Saisir quelque chose ne vaut pas savoir tout, — et encore ce n’est pas bien sûr ; — cela vaut mieux que de ne savoir rien. On peut très bien trouver une joie profonde et utile à explorer et meubler artistement l’appartement qu’on habite, même si on est sûr de ne jamais pouvoir explorer dans la cave les fondations obscures sur lesquelles il repose. Cela procure même le plaisir supplémentaire de faire, d’après divers signes tels que la vibration communiquée aux murs par les voitures qui passent, des inductions, des hypothèses, des suppositions sur la nature de ces mystérieuses fondations. Et rien n’est aussi amusant que les hypothèses invérifiables, rien ne prête davantage à la rêverie, à l’élan vers l’infini, qui, à en croire Platon, est l’amour même. C’est pour cela que les hommes de science dignes de ce nom, sont des poètes ; c’est pour cela que rien ne recèle plus de poésie que la science.
Mais tout ceci nous a éloigné un peu de la scintillante Algol. Hâtons-nous de remonter auprès d’elle, car elle est bien plus haut que tout cela, puisque 60 années de lumière nous séparent de cette lampe céleste, puisqu’elle est de nous à une distance telle qu’un rayon lumineux qui, en une seule seconde, parcourt une distance égale à huit fois le tour de la terre à l’équateur, a besoin de soixante ans pour nous arriver de là-haut, puisque la diminution d’éclat d’Algol que nous allons observer cette nuit, s’est produite en réalité, il y a soixante ans, en 1861, alors que bien d’autres étoiles, éteintes depuis, brillaient aux feux de la petite rampe européenne.
Chose remarquable, c’est l’astronome même qui avait découvert la loi de la variation lumineuse d’Algol qui, dès 1783, donna de cette variation une explication qui, depuis, s’est trouvée entièrement confirmée par les faits.
Voici comment cet astronome s’expliquait alors à la fin d’une communication à la Société Royale de Londres :
« S’il n’était peut-être pas prématuré de hasarder même une conjecture