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conte par Finette ou l’Adroite Princesse. De petites étoiles bleues imprimées suivent l’ourlet ; l’un des coins est marqué de l’N couronné entre deux branches de laurier.

Et voici le flacon de sels, tout petit, en cristal taillé, le bouchon de vermeil frappé des armoiries guerrières qu’il s’était octroyées, contenant encore des sels à respirer qui ont perdu toute vertu et tout arôme.

Ce mouchoir et ce flacon de sels ont-ils servi à secourir Joséphine, lors de ses évanouissements simulés, avant que de tomber dans les mains de Mme de Pellapra ? Est-ce au moment d’un départ qu’il les lui laissa, pour sécher ses larmes et revenir à la vie ? A-t-elle, en gamine qui se familiarise avec le dieu et veut des souvenirs, fouillé simplement dans les poches de son manteau ? Je le croirais volontiers, à noter la façon délibérée dont sa petite-fille, qui la connaissait bien, écrira plus tard : « Cocarde... détachée du chapeau de l’Empereur par ma grand’mère. » J’incline à croire qu’elle lui prenait tout bonnement ses affaires.

J’ai entendu parler aussi, sans l’avoir jamais vue, d’une paire de bas de soie blanche, qui moula sans doute le fameux mollet hérité par Henri.

Ces objets qui parlent de lui, sont auprès de moi pendant que j’écris ces lignes. Ils furent cachés durant des années dans les tiroirs, dans les coffrets de Mme de Pellapra, conservés par devers elle, loin des yeux irrités de son redoutable mari ; soustraits aux regards d’un gendre soucieux des convenances, qui fut d’abord attaché à la Légation néerlandaise, puis représentant des intérêts d’un prince époux de la fille de Marie-Amélie, puis gouverneur du Luxembourg, puis envoyé du roi des Belges auprès de Sa Sainteté le Pape, un personnage, enfin !

De temps à autre, quand elle se croyait en sûreté, elle retirait ses souvenirs de leur cachette, elle regardait ces objets témoins de l’amour de celui qui fut le maître des papes et des rois, de celui dont elle savait bien que l’humanité tout entière répéterait le nom qu’elle ne devait plus prononcer.

Elle les montrait parfois à sa fille, d’autres fois à ses petits-enfants, avec un joli sourire de malice et d’orgueil, car on peut franchement dire qu’elle fut une femme qui ne regretta rien.

Témoins inanimés, ces objets ont, jusqu’ici, traversé le temps. Mais le souvenir des récents dangers qui ont menacé leur existence, moins précaire que les nôtres et périssable pourtant,