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transcrit avec fidélité. Tantôt, et de beaucoup le plus souvent, il se contente de s’en inspirer. Alors il obéit à l’esprit et non à la lettre. Il accepte, que dis-je, il recherche une influence générale qui l’enveloppe, l’imprègne, sans le contraindre. Alors ce n’est pas en espagnol, mais plutôt à l’espagnole, qu’il chante l’Espagne, son Espagne, éternel objet de son fervent mais libre amour. Il compose ainsi des tableaux nombreux et variés : tableaux de genre, et de tout genre, images de la vie populaire sous des aspects multiples, et comme sous les signes divers de la joie ou de la tristesse, de l’action et du mouvement ou de la pensée et du rêve. Bien que ramassée en quelques pages, cette musique ne s’arrête pas au dehors. Brève toujours, elle est cependant profonde. Derrière les apparences et les gestes, elle cherche le sentiment et l’âme, elle les trouve et nous les révèle. « Expression plutôt que peinture, » disait le Beethoven de la symphonie Pastorale. L’une et l’autre se partagent les scènes, expressives au moins autant que pittoresques, de M. Laparra. « Il compose. » Nous reprenons le mot à dessein. Mélodique avec abondance, avec originalité, sa musique n’est pas mélodie pure. Les harmonies serrées et vigoureuses, hardies sans excentricité, le contre-point ou les contre-chants valent les chants, les fortifient et les enrichissent. Il n’est pas jusqu’à l’esprit de la symphonie qui ne les anime et ne les développe. Les pièces pour piano de M. Laparra n’ont que peu d’étendue. On pourrait les qualifier de raccourcis musicaux. Et pourtant elles sont plus que des ébauches. Rien n’y est indécis ni flottant. Ordonnées et construites, elles font à l’intelligence, à la raison, non moins qu’au sentiment, à la passion même, sa part. Et cela est fort bien ainsi.


CAMILLE BELLAIGUE.