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L’ŒUVRE DE LA FRANCE EN SYRIE.

budgétaire actuelle pour le Levant, qui ne doit pas être durable, tient en particulier à l’éloignement de la France de la Syrie et de la Cilicie, et aux difficultés de transports dont la moindre se complique d’une telle augmentation de prix que la tonne de charbon qui coûtait avant la guerre, à Port-Saïd, une trentaine de francs, en vaut aujourd’hui, au même endroit, plus de cinq cents. Enfin, pour cette dépense comme pour les autres, il ne faut pas oublier que nous subissons en Orient les conséquences désastreuses de la baisse de notre change, que, pour la Syrie, l’étalon des valeurs demeure encore la monnaie égyptienne, et pour la Cilicie, la livre turque or, et que l’une et l’autre émises entre 20 et 23 francs en valent, au taux du change actuel, 60 à 80.

Il faut rappeler également, ici, que toute la part de nos dépenses qui concerne la Cilicie, n’est à proprement parler qu’une avance à la Turquie, à laquelle l’article 236 du traité de Sèvres fait une obligation de rembourser à l’occupant l’entretien des troupes occupant les territoires laissés par le traité à la nationalité ottomane, et qui doivent faire retour à la souveraineté de la Porte.

En tenant compte de ces déductions et de ces considérations, on s’apercevra que l’effort demandé à la France n’est pas disproportionné aux avantages d’avenir que l’on doit attendre.

M.  Georges Leygues, président du Conseil, a exposé la question en ces termes, le 8 décembre dernier, devant les commissions sénatoriales des Affaires étrangères et des Finances : « Nous sommes allés en Syrie, non seulement parce que nous avions à y soutenir une longue tradition et des œuvres nombreuses, mais pour une raison plus haute encore. La France est une nation méditerranéenne, l’axe de sa politique est dans la Méditerranée, et, si son rôle s’y amoindrissait, son prestige en recevrait un échec grave. Tous les gouvernements sans exception l’ont ainsi pensé. Mais, si la France était confinée dans le bassin occidental de cette mer, elle serait très diminuée ; il nous faut établir en Syrie les bases de notre action orientale. C’est pourquoi le gouvernement revendique la zone syrienne et Alexandrette, qui sera, avant trente ans peut-être, un des plus grands ports de la Méditerranée. » Ce n’est pas M.  Aristide Briand, l’auteur des accords de 1916, qui contredira son prédécesseur.