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L’ŒUVRE DE LA FRANCE EN SYRIE.

les possibilités d’avenir. Comment n’en pas conclure que la France ne peut les envisager qu’avec confiance et sans soulever à nouveau la grave question du principe même de son action en Orient, qu’elle a déjà solennellement résolue, alors qu’il aurait été temps encore d’adopter une solution contraire ? Il est trop tard aujourd’hui pour revenir sur ce choix. La France a pris sa décision parce que son prestige national l’y engageait, parce que son intérêt immédiat et lointain le commandait. Or, ce serait gravement compromettre sa situation non seulement en Orient, mais encore en Europe et dans le monde, que de songer à renoncer aujourd’hui à son œuvre au Levant. Cette œuvre est justifiée par nos droits historiques, par notre situation dans le pays, que la volonté populaire a consacrée en Syrie et qu’ont sanctionnée les Puissances alliées par l’octroi du mandat français.

Ce serait aussi renoncer, non seulement à tous les avantages matériels escomptés, et qui ont été exposés en détail dans les pages précédentes, ce serait méconnaître de même l’importance de la situation que nous occupons en Méditerranée orientale et, par conséquent, sur les routes de l’Extrême-Orient.

Il ne faut pas négliger non plus de signaler quelle est l’importance de la présence en Syrie de la France, grande Puissance musulmane, qui tire de cet avantage une force particulière. Le docteur Samné, dont la remarquable étude a déjà été citée, dénombre la répartition entre les Puissances européennes des dix-sept points d’où rayonne la vie intellectuelle et morale de l’Islam. Il signale que nous en détenons deux seulement : Kairouan et Fez. Or l’Angleterre en possède six : le Caire, Bagdad, Lahore, Delhi, Bénarès, Calcutta ; en outre, Kaboul, Chiraz et Ispahan relèvent aujourd’hui, plus ou moins directement, de son influence. Il est donc d’un intérêt capital que nous nous trouvions présents à Damas, vieux centre de l’Islam, à Alep, au milieu d’un pays de transition entre l’Islam arabe et l’Islam turc, à proximité enfin de l’Arabie et des communications territoriales avec La Mecque, qui continue à représenter le lieu le plus vénéré des Mahométans, le centre même de leur société religieuse et morale.

Voilà la situation qui nous est acquise au point de vue musulman, avec la possibilité d’en tirer l’avantage de nous appuyer sur la masse puissante d’une population éclairée qui