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REVUE DES DEUX MONDES.

Avec Sidon et Tyr, au passé fameux, qui, de cette union à un grand pays, tireront une jeunesse nouvelle :

Voilà la Patrie que vous venez d’acclamer.

Il faut avoir assisté à cette journée, désormais mémorable dans tout le Levant, pour comprendre quelle put en être la portée dans un pays d’enthousiasme, préparé par une longue attente à une indépendance toujours retardée et réalisée enfin grâce aux Français. L’enthousiasme fut unanime quand le général Gouraud, dans le beau décor qu’il avait décrit lui-même aux premiers mots de sa proclamation, a salué au son des dernières salves d’honneur, que répercutait la montagne libanaise, le nouveau drapeau tricolore du « Grand Liban, » aux couleurs françaises enveloppant dans leurs plis le cèdre national.

En même temps que la proclamation du « Grand Liban, » le Haut-Commissaire avait promulgué des instructions arrêtant provisoirement le statut politique et administratif dont le nouvel État était doté. Le pays se trouve ainsi divisé en quatre Sandjack : le Liban Nord, le Mont-Liban, le Liban Sud, la Bekaa, et deux municipalités autonomes : Beyrouth et sa banlieue, Tripoli et sa banlieue.

Beyrouth est la capitale du Grand Liban. Le pouvoir exécutif est provisoirement délégué par le Haut-Commissaire à un fonctionnaire français, portant le titre de Gouverneur du Grand Liban. Auprès de ce fonctionnaire, sont placés les services généraux de l’État, qui ont à leur tête des fonctionnaires libanais, assistés eux-mêmes de conseillers techniques français. En attendant qu’un recensement exact de la population ait permis de procéder à des élections régulières, une Commission administrative provisoire est placée auprès du Pouvoir central avec des attributions équivalentes à celles de l’ancien Conseil administratif du Liban, créé par le règlement organique de 1864. Il comprend 15 membres, désignés proportionnellement à l’importance numérique de chacune des sectes religieuses du Liban.

On peut signaler, en passant, à quelles difficultés se heurte l’autorité française dans des pays d’une telle complexité de races et de religions, où elle apporte le désir profond de respecter toutes les traditions et toutes les croyances, où elle est obligée de compter avec la multiplicité des intérêts et avec des rivalités séculaires que les Turcs avaient soigneusement entretenues