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devait être avertie : depuis le temps qu’elle vivait à la Cour, elle n’avait pas les yeux fermés sur ce qui s’y passait. Ayant tant badiné avec le mariage, il arriva qu’elle se laissa séduire, et même elle n’y fit pas beaucoup de façons. La méthode révélée à Brantôme réussit un soir au duc, une fois de plus. A la fin de 1556, quand Nemours repartit pour l’Italie, Françoise était enceinte et ne l’en avait pas informé. Vers la Noël, elle se décida à tout lui révéler. Il ne lui répondit pas. C’était, un fameux capitaine qui s’illustrait dans chaque combat et qui manquait à la Cour. Mais don Juan n’est pas souvent un galant homme. Le Roi et la Reine s’aperçurent bientôt de l’état de leur triste cousine et lui firent subir un interrogatoire où elle finit par avouer sa faute. Catherine voulait la chasser ; Henri II, plus indulgent, se contenta, nous dit le baron de Ruble, de commander à toutes les dames un secret absolu qu’aucune ne garda, et renvoya Françoise, auprès de la reine de Navarre. Cependant Jacques de Savoie répondait évasivement aux questions impérieuses qu’on lui posait de loin et prolongeait son séjour en Italie.

Le désastre du connétable de Montmorency à Saint-Quentin fit rappeler d’Italie l’armée de Guise. Nemours faisait merveille : on ne lui gardait pas rancune. Et le 24 mars 1557 naissait, au château de Pau, Henri, fils de Françoise de Rohan qui prenait hardiment le titre de duchesse de Nemours et affublait son rejeton de celui de prince de Genevois tiré de la maison de Savoie. Résolue à obtenir en justice ce qu’elle n’avait pu obtenir de bon gré, elle n’hésita pas à revenir à la Cour, et cita son ancien amant devant l’Official de Paris, qui ordonna une enquête. Jacques de Nemours nia tout, ses promesses, ses relations et sa paternité dont il ne craignit pas d’attribuer à un autre le mérite. La première enquête, cependant, ne serait pas très probante sans les lettres, Françoise n’ayant appelé en témoignage que des gens à son service. Puis le procès suit les fluctuations de la politique et devient tantôt une lutte de puissance entre les maisons de Bourbon et de Lorraine, et tantôt une lutte d’influence religieuse entre huguenots et catholiques. Quand le roi de Navarre est en faveur, Jacques de Nemours parait se réconcilier avec Françoise, et même consent à voir son fils. Il va jusqu’à signer une nouvelle promesse, mais c’est une promesse qui ne l’engage à rien, car