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dire parce que les Rohan sont mal en point dans leurs affaires et parce que ses propres ambitions qui sont grandes le tournent tout entier du côté de la maison de Lorraine. Plus tard, d’autres raisons entreront encore dans son refus : la religion de Françoise de Rohan passée à la Réforme, quand lui-même est un des chefs catholiques, et surtout ses amours avec Anne d’Este, duchesse de Guise : Mais quand il veut séduire Mlle de Rohan, toutes les armes lui sont bonnes, et spécialement la promesse de mariage avec quoi l’on amadoue les jeunes filles. Toute la Cour s’attend d’ailleurs à ce mariage : une Rohan est cousine du Roi, qui donc oserait courtiser une Rohan sans la vouloir épouser ? Qui, sinon ce foudre de guerre qui est un vainqueur de ruelles, et dont Brantôme nous a dit la méthode. Tout le sert d’ailleurs, comme il se sert de tout. Précisément, il part pour la campagne d’Italie ; rien ne précipite les aveux d’amour comme la perspective d’un départ. D’Italie il lui adresse des lettres charmantes où il lui fait hommage de ses victoires : « Si j’estois aussi vaillant comme je suis serviteur de celle qui porte le nom des chiffres qui sont sur mes harnais et sur ma casaque, je pense qu’il ne fauldroit que moy tout seul pour gaîgner une bataille. » Et il lui envoie des présents, mais ne cesse de lui demander, le bon apôtre, de tenir secrète leur promesse d’union. Peut-être est-il déjà partagé entre deux passions, dont l’une, celle qu’il a pour Anne d’Este, l’emportera sur l’autre et durera toute sa vie. Et déjà il tente de rompre avec Françoise de Rohan, chargeant de cette mission le maladroit maréchal de Saint-André. Celle-ci, aussitôt, se déchaîne, Il nie avec impudence : les ruptures ne sont pas son affaire, et puis il aime à faire plaisir aux dames, jusqu’au jour où il les immole à ses caprices. En Italie il a flirté avec Lucrèce d’Este, la sœur d’Anne, à Ferrare. Lucrèce est-elle le paravent de ses amours avec la duchesse de Guise ? Essaie-t-il loyalement d’oublier la femme inaccessible de son chef, le grand François de Guise ? Chi lo sa, comme disent les Italiens.

A son retour, il retrouve la Cour à Blois et, dans un bal où Françoise est habillée de blanc et de violet, Jacques et ses officiers prennent les mêmes couleurs et il danse avec elle toute la nuit. On ne saurait davantage l’afficher. Mais, le lendemain, il lui écrit de ne pas divulguer leur projet. Il lui joue la comédie du mariage, et même en public. Françoise, pourtant,