Si médiocre que soit ce flambé de notre manufacture nationale, il eût peut-être été plus facile d’en poursuivre la cuisson au mois d’août dernier, que de le remettre maintenant au four dont il est sorti. Qui va se charger de concilier à Londres les prétentions des Grecs et les résistances des Turcs ? Il est moins aisé de reprendre un cadeau que de ne pas le faire et on a toujours assez mauvaise grâce à essayer de démontrer aux gens qu’on leur a trop donné. Et puis, n’allez pas vous imaginer que ce soient les envoyés de Constantin qui défendront, devant la prochaine conférence, les intérêts de la Grèce. Ils seront là, certainement, aux places que leur aura assignées le protocole. Mais, dans la coulisse, la Grèce aura un avocat autrement redoutable pour les Turcs. J’ai eu le plaisir de recevoir, ces jours-ci, M. Vénizélos. Jamais l’éminent homme d’État n’a été plus en forme que depuis son retentissant échec. Il analyse, avec une philosophie supérieure et une admirable finesse d’observation, toutes les causes de sa défaite : son éloignement prolongé de la Grèce, les charges persistantes de la mobilisation, le prestige de l’autorité royale et la force de l’idée monarchique ; et, tout cela expliqué, il fait complète abnégation de lui-même et n’a plus d’autre pensée que d’excuser son pays et de lui conserver, malgré le changement de régime, les avantages qu’il lui avait assurés.
M. Vénizélos déploie, pour justifier l’occupation de la Thrace et de toute la province de Smyrne, les merveilleuses ressources du talent le plus souple et le plus séduisant ; et l’on peut être sûr, d’avance, qu’il ne se vengera, à Londres, de Constantin qu’en s’efforçant, avec un généreux patriotisme, de faire triompher intégralement la cause de la Grèce. Il faut cependant que les Alliés signent la paix avec Angora comme avec Constantinople ; et il faut aussi que nous prenions nos garanties vis-à-vis du roi Constantin, dont la politique passée n’est pas faite pour nous rassurer. Le moins que nous puissions exiger de la Grèce, c’est, comme je le disais l’autre jour, le maintien des droits que l’Angleterre et nous, nous tenions des traités de Londres de 1832, de 1863 et de 1864. Mais il restera à rétablir la paix en Asie-Mineure, et je crois qu’avant d’entendre contradictoirement, à ce sujet, les Grecs et les Turcs, nous ferons sagement d’avoir, avec le Gouvernement britannique, comme, du reste, avec le Gouvernement italien, un échange de vues qui nous permette de préparer en commun nos résolutions finales.
Grèce, Turquie, ce n’étaient encore là que les hors-d’œuvre de la Conférence de Paris, et c’est sur les questions relatives au traité de Versailles qu’ont naturellement porté les principaux efforts des