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procès-verbaux informes et unilatéraux, comme les experts eux-mêmes n’avaient pas pris part aux délibérations les plus importantes, la conférence s’était terminée dans une équivoque.

Le ton chaleureux des discours prononcés, à la Chambre des députés, par M. Briand et, à Birmingham, par M. Lloyd George nous permet de mieux augurer des résultats obtenus dans les dernières réunions du quai d’Orsay. Nous ne serons cependant fixés sur la portée des diverses mesures adoptées qu’après la prochaine conférence de Londres, et nous ne devons pas nous dissimuler que presque tout ce qui s’est fait à Paris peut être bientôt remis en question. En tout cas, si les dernières discussions des Alliés se sont heureusement achevées dans la confiance et la cordialité, elles avaient commencé dans une atmosphère un peu orageuse, et il était même arrivé à l’un des interlocuteurs de formuler, sans artifices et sans ménagements, un ultimatum et une menace de rupture. Tels sont, je ne me lasserai pas de le redire, les inconvénients et les périls de ces controverses périodiques, engagées directement entre des chefs de gouvernement, qui, personnifiant, les uns et les autres, l’autorité suprême, sont obligés de se prononcer, tout de suite, par oui ou par non, et n’ont pas la ressource d’en appeler à d’autres personnes pour prendre le temps de la réflexion. Cette fois, du moins, on n’a rien brisé et tous les pays intéressés ont eu, à la fin de la conférence, cette impression réconfortante que, grâce, en grande partie, à l’heureuse intercession des deux délégués belges, MM. Jaspar et Theunis, l’intimité nécessaire était rétablie entre les gouvernements Alliés. Un des membres les plus distingués de la Chambre des députés, M. Joseph Barthélémy, écrivait ces jours-ci : « C’est là certes une constatation infiniment importante ; mais elle équivaut à des félicitations que l’on adresserait à une personne descendant du chemin de fer, pour le motif qu’elle n’a pas été victime d’un accident. » Sans doute ; mais, en un temps où les collisions de trains sont devenues si fréquentes, ces félicitations elles-mêmes ont parfois leur raison d’être. M. Joseph Barthélémy ajoutait, du reste, avec raison : « L’amitié anglaise est une nécessité. Nous avons besoin de l’Angleterre ; l’Angleterre a besoin de nous. Elle a besoin de notre marché pour son charbon, pour ses matières premières, pour ses produits manufacturés. Elle a besoin de notre résistance à l’Allemagne pour que Douvres ne soit pas menacée par des Berthas installées à Calais. Elle a besoin de nos côtes pour affirmer sa puissance navale. D’aucun côté du détroit, on n’aurait pardonné aux hommes d’État qui auraient méconnu ces évidences. »