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n’a pas cessé de se livrer, soit à Dantzig, soit en Haute-Silésie, depuis la mise en vigueur du traité, montrent assez qu’elle cherche, en affaiblissant la Pologne, à ébranler les assises, encore mal cimentées, de la nouvelle Europe. Ne pouvant rien aujourd’hui sur le Rhin, où la supériorité militaire des Alliés la paralyse, elle s’efforce de s’ouvrir une fenêtre à l’Est et de se ménager, en face d’un horizon plus libre, des perspectives d’avenir. La Pologne écrasée, ou étouffée entre l’Allemagne, et la Russie, ou, tout au moins, réduite à l’impuissance, un jour relèvera, où le Reich, libéré de toutes préoccupations de ce côté, et enrichi, de nouveau, des dépouilles de sa malheureuse voisine, se retournera contre nous et se montrera plus réfractaire encore à l’exécution du traité. Le plan est très clair. L’Allemagne ne prend même pas la peine de le cacher. Sa conduite nous dicte la nôtre.

En disant nous, je parle surtout de la France ; mais je pense aussi, naturellement, à tous les Alliés. Sommes-nous cependant d’accord, à ce sujet, avec l’Angleterre, l’Italie, les États-Unis ? Avec les États-Unis, l’entente sera, sans doute, facile ; car ce n’est pas une opinion personnelle que le Président Wilson a défendue à Paris, lorsqu’il y a soutenu, avec une grande énergie, la cause de la Pologne ; il exprimait alors la pensée de la grande majorité du peuple américain. Nous serons bientôt fixés sur les nouvelles dispositions de la Maison Blanche. Il n’y a aucun motif de croire qu’elles ne soient pas favorables aux vues de la France. Mais, avec l’Angleterre et l’Italie, il ne semble pas que notre politique soit mieux accordée dans le Nord-Est de l’Europe qu’elle ne l’est, jusqu’ici, en Asie-Mineure.

La Conférence de Paris a, il est vrai, réalisé, comme l’a très justement dit M. Briand, une œuvre essentielle ; elle a rapproché, sur des points déterminés, l’action des Puissances alliées. Elle a cependant laissé sans solution beaucoup de problèmes importants. L’heure ne serait-elle pas venue de procéder enfin avec nos amis, avec l’Angleterre surtout, à une liquidation générale de toutes les difficultés pendantes ? A Paris comme à Londres, tous les gens sensés considéreraient comme une catastrophe, je ne dis pas même une rupture, mais un refroidissement de l’amitié franco-britannique. Pénétrés de cette conviction, les deux Gouvernements se trouvent très forts, l’un et l’autre, pour mettre, une bonne fois, tous les dossiers sur la table et pour substituer à des discussions partielles, dont il faut convenir que la France a le plus souvent fait les frais, une conversation d’ensemble, où les éléments d’échange seront plus nombreux et où l’on mesurera plus aisément les sacrifices mutuels. Mais, pour arriver à