Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/837

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
833
L’ŒUVRE DE LA FRANCE EN SYRIE.


le courant de juin, et l’on put concevoir l’espoir de dissocier nos adversaires en traitant avec les Kémalistes.

Si les négociations aboutissaient, si les hostilités cessaient pour quelque temps au Nord, c’était la possibilité de concentrer nos troupes sur le front chérifien, de faire effectivement peser la menace de notre force et peut-être d’obtenir de Feyçal la conciliation désirée.

Le général Gouraud reçut favorablement les invites indirectes de Mustafa Kémal, transmises par l’intermédiaire de parlementaires turcs venus à Beyrouth. M. Robert de Caix, secrétaire général du Haut-Commissariat, se rendit à Angora pour passer une convention d’ordre purement militaire. Après de laborieuses discussions, un armistice de 20 jours, valable à partir du 30 mai, était signé.

Les Turcs s’engageaient à suspendre les armes, et à nous laisser ramener sur la voie ferrée d’Adana à Mersine, nos garnisons de Bozanti et de Sis ; nous acceptions d’évacuer la ville d’Aïntab proprement dite, sinon le camp voisin qui la commandait. Enfin, la suspension d’armes devait être mise à profit pour échanger les prisonniers.

Cette convention fit naître, de notre côté, de grands espoirs. Les ordres les plus fermes avaient été donnés pour qu’elle fût rigoureusement observée. Elle déçut les Nationalistes, car ils escomptaient non pas une convention militaire passée par le général Gouraud, mais une tractation diplomatique avec le Gouvernement français, pour sauver leur pays d’une paix qu’ils entrevoyaient déjà comme désastreuse. C’est surtout pour cette raison que la négociation fut si difficile, et que M. Robert de Caix a eu un grand mérite à la mener quand même jusqu’au bout.

Au reste, les Kémalistes n’exécutaient pas les clauses de l’armistice. Dès les premiers jours, leurs chicanes commencèrent sur l’application du texte signé, et jamais, sur la partie occidentale du front de Cilicie surtout, les hostilités ne cessèrent complètement. Les bandes nationalistes continuèrent à opérer, le renvoi de nos prisonniers ne fut que partiel. Les prétentions kémalistes devinrent exorbitantes et les difficultés se multiplièrent.

Malgré nos efforts pour décider Kémal Pacha à prolonger la suspension d’armes, rien ne put être obtenu. Le chef nationa-