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L’ŒUVRE DE LA FRANCE EN SYRIE.


L’ennemi porte principalement ses efforts sur la voie ferrée de l’Amanus, seule artère par laquelle peuvent parvenir à la division de Lamothe renforts et ravitaillements, puisque la route d’Alexandrette est coupée par les bandes, puisque la mauvaise volonté chérifienne nous interdit l’usage du chemin de fer d’Alep.

En Cilicie, la garde de la voie ferrée et les garnisons des places absorbent les forces de la division, dont deux bataillons seulement sont disponibles pour la manœuvre. Le général Dulieux ne recevra comme renforts que deux autres bataillons sans équipages. Avec ces faibles moyens, renforcés momentanément par des prélèvements sur les garnisons, il parvient, par une série ininterrompue d’opérations, à débloquer les postes de l’Amanus (fin mars), Ekbès (colonne Laurent, 4-7 avril), Sis (colonne du même colonel Laurent, 14-18 avril), à dégager la voie ferrée au Nord de Mersine et de Tarsous (colonnes Durand, 19-21 avril, et Thiébaut, 25-27 avril).

En pénétrant par les défilés de Bozanti, le long de la voie ferrée, l’ennemi avait enlevé les postes de Keblebeket de Hadjikiri ; Bozanti était assiégé depuis cette date.

C’est seulement à la fin de mai, que le général Dufieux, à qui trois bataillons venus d’Afrique ont été affectés, peut former une colonne, capable d’essayer d’intervenir sans imprudence. À cette colonne qui doit pénétrer à plus de 80 kilomètres au pays insurgé, en pleine montagne, on ne peut consacrer cependant que 4 bataillons, 2 batteries et un escadron ; elle quitte Tarsous le 17 mai. Mais elle se heurte dans la montagne à trois positions successives, solidement organisées, et malgré son ardeur et ses pertes, ne peut réussir à enlever la troisième.

Quelques jours plus tard, la garnison de Bozanti succombe après deux mois d’héroïque défense. De tels souvenirs douloureux ne doivent pas être perdus de vue quand il est question des effectifs de l’armée du Levant : il est aisé de comprendre que lorqu’un poste est cerné par plusieurs milliers d’ennemis, et qu’il ne se trouve pas, en arrière, d’effectifs suffisants pour le dégager, l’issue est fatale, quel que soit l’héroïsme de la défense.


À la même époque, la division de Lamothe dispose de forces encore moins nombreuses pour garder un territoire plus étendu. Elle devra donc compenser l’insuffisance des effectifs par une extrême mobilité.