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L’ŒUVRE DE LA FRANCE EN SYRIE.

Sous couvert de donner une nouvelle constitution au pays, il fait réunir discrètement à Damas un Congrès syrien, soi-disant émané de la volonté unanime du peuple. C’est ce Congrès qui, le 8 mars, le proclame roi de Syrie, en même temps qu’il décerne la couronne de Mésopotamie à son frère l’émir Abdallah, le deuxième fils du Chérif de la Mecque.

L’illégalité de ce Congrès résultait de sa composition même. La seule zone Ouest, qui compte en chiffres ronds 500 000 Chrétiens, 200 000 Musulmans Sunnites, 100 000 Musulmans Chiites, 350 000 Ansarieh, 60 000 Druzes et 6 000 Ismaïlieh, y était représentée par treize Musulmans Sunnites, deux Chrétiens et un Musulman Chiite. Ni le Liban, ni les Ansarieh, ni les Ismaïlieh, ni les Druzes, c’est-à-dire plus des deux tiers de la population, n’y avaient pris part.

Le résultat de ce coup d’État ne se fit pas attendre. Si, à Damas, il provoqua un enthousiasme assez vif parmi les étrangers, clients de Feyçal, et parmi ses partisans indigènes à l’affût de quelques postes ou déjà pourvus de sinécures, il souleva dans toutes les régions des protestations spontanées et violentes ; télégrammes, pétitions, supplications même, affluèrent à l’adresse du général Gouraud et des gouvernements de l’Entente pour dénoncer cette usurpation éhontée.

En même temps qu’un roi, le pseudo-congrès syrien créait un ministère, qui, sous la présidence de Riza Pacha Rikaby, réunissait les extrémistes les plus notoires. Comme s’il eût tenu à bien marquer sa dépendance totale vis à vis de l’Empire islamique rêvé par le vieil Hussein, il choisissait aussi un drapeau qui n’était autre que le drapeau du Hedjaz, adorné d’une étoile.

Il restait à savoir quelle attitude adopterait, à la suite de cette mise en demeure, la Conférence de la Paix, suprême dispensatrice d’unités et d’indépendances. Mais le nouveau roi ne fut reconnu ni par le Gouvernement français, ni par l’Angleterre, ni par la Conférence. Toutefois, d’accord avec l’Angleterre, la France le convoqua d’abord à Paris, puis à San Remo, pour régler en sa présence la question du mandat et fixer définitivement, en se conformant aux usages internationaux, le sort de la Syrie. Malheureusement pour lui, il ne sut pas comprendre à temps qu’il fallait se rendre à cette invitation.

Et cependant, toute la politique de l’Émir, depuis son couronnement, s’inspirait du désir de faire reconnaître par les