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L’ŒUVRE DE LA FRANCE EN SYRIE.

d’eux que ce qui concerne directement ses rapports avec l’autre.


C’est en Syrie que surgit le premier incident. Il suivit immédiatement l’arrivée du Haut-Commissaire : ce fut l’affaire de la Bekaa.

La plaine de Bekaa est le couloir central qui sépare le Liban de l’Anti-Liban. Aux termes des accords conclus, nous devions y relever les garnisons britanniques. Cette occupation s’imposait à nous pour des raisons politiques, économiques et militaires. Politiques, parce que la Bekaa fait partie intégrante du Liban, qu’elle appartient en grande partie à des propriétaires de Beyrouth ou du Liban, et que son rattachement au Liban était réclamé et par les populations locales et par les Libanais auxquels M. Clemenceau avait promis son appui pour la réalisation progressive de leurs aspirations nationales ; économiques, par suite de sa fertilité particulière qui en fait le grenier du Liban, dépourvu lui-même de ressources agricoles ; militaires enfin, car, pour protéger les montagnes libanaises, pour surveiller l’unique ligne qui relie la côte à Damas, comme à Alep et aux villes de Cilicie où nous entretenions des garnisons, pour ravitailler, surtout, nos troupes en opérations dans le Nord, la libre pratique de cette voie ferrée nous était absolument indispensable.

Mais, au lieu d’appliquer le plan de relève établi de concert avec le maréchal Allenby et qui prévoyait l’occupation de la Bekaa par nos troupes le 28 novembre, le général Gouraud fut d’abord obligé de surseoir à cette opération sur les représentations des autorités britanniques, qui prétextaient une surexcitation hostile, capable d’amener de graves incidents. Pendant le délai ainsi gagné, Feyçal avait obtenu gain de cause auprès des cabinets de Londres et de Paris, et il fallut renoncer complètement à l’occupation de la Bekaa sur l’ordre télégraphique de M. Clemenceau.

Cet événement causa, dans tous les milieux, un étonnement considérable. Nos partisans l’accueillirent avec consternation. Ils ne voulaient voir, dans ce qu’ils appelaient notre reculade, qu’une insigne marque de faiblesse. Quant aux Chérifiens de Damas, ils ne pouvaient croire à un succès si facilement obtenu. Ils s’imaginèrent alors que la France s’inclinerait