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L’ŒUVRE DE LA FRANCE EN SYRIE.

tants. Le « bloc » anglais disparu, il arrivait une « poussière » de Français. Les conséquences en furent immédiates et désastreuses.

L’atteinte brutale portée ainsi à notre prestige n’a pas besoin d’être expliquée. Nous devions subir là les conséquences de notre victoire même. C’était la pleine crise de l’après-guerre avec toutes ses lourdes difficultés : nos effectifs vidés par la démobilisation ; nos transports encore désorganisés, et le retour à leur régime de paix non achevé ; l’impossibilité de réunir immédiatement les spécialistes pour traiter en un pays si difficile les questions les plus complexes ; le grave inconvénient, enfin, de laisser peser sur nos finances obérées une dépense de première mise arrivant au moment où il fallait être le plus économe.

Mais, en dehors de cette atteinte immédiate à notre prestige, deux graves conséquences de cette insuffisance de moyens vinrent compliquer la situation.

Ce fut, d’une part, le recours aux bataillons arméniens dont il sera question plus tard. Il a été exigé par le manque absolu d’autres unités en Cilicie, puisqu’en dehors de ces contingents, nous n’y possédions qu’un seul régiment, en face des vingt-quatre bataillons britanniques, et qu’en raison de la rapidité avec laquelle la relève devait être faite sur la demande des Anglais, il était matériellement impossible d’y apporter remède en faisant arriver des troupes, même si nous avions disposé ailleurs des effectifs nécessaires pour les fournir. Or, cet emploi d’Arméniens devait contribuer puissamment à exaspérer les Turcs.

Ce fut, d’autre part, le dispositif dilué auquel il fallut recourir pour tenir avec des effectifs aussi réduits de vastes territoires. Sans prendre dans son sens le plus étroit l’instruction précédemment citée de M. Clemenceau au général Gouraud : « Mettez un Français partout où il y avait un Anglais, — comme on relève une sentinelle, » il fallait bien tenir garnison dans tous les postes importants et surtout dans toute l’étendue du territoire occupé. On se trouva amené, au cours d’un régime d’armistice et pendant une période de calme profond qui justifiait ces mesures, à prendre un dispositif de paix en donnant à nos faibles garnisons un large échelonnement.

Cela fut sans inconvénients, tant que dura le régime auquel