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L’ŒUVRE DE LA FRANGE EN SYRIE.

tombée en trombes brutales, et les cimes du Liban s’étaient couvertes de neige. C’est dans l’admirable décor de la rade de Beyrouth, au pied de la ville aux mille toits rouges qui s’étage sur les flancs d’une vallée toute hérissée de minarets, ceinturée de jardins et dominée par la montagne proche, que le Haut-Commissaire débarqua.

Il était attendu par M. Georges Picot, l’habile diplomate auquel il dit toute son admiration pour l’œuvre déjà accomplie au milieu de si graves difficultés, par le Commandant des forces britanniques d’occupation, par tous les corps syriens de la ville et du Liban, les représentants de l’Armée et de la Marine françaises.

L’enthousiasme de la population fut général. Tous étaient impatients de voir à l’œuvre les Français, désormais responsables de l’ordre au lieu et place des Anglais relevés. L’espoir en nous était grand, trop grand même.

Le discours d’arrivée du général Gouraud dut satisfaire le plus grand nombre, mais inquiéter ceux qui pouvaient redouter le programme d’une « administration honnête » et d’une « justice égale pour tous. » — « La France, dit le Général, doit être un guide et non un maître ; le Protectorat n’est pas possible en Syrie. Il faut s’inspirer d’une ferme impartialité entre les différents groupes religieux, et favoriser dans toute la mesure du possible le développement du pays et ses relations commerciales avec la France. »

La réalisation de ce beau programme exigeait pour être entreprise un calme qui devait malheureusement faire longtemps défaut. C’est assailli par maintes difficultés que le Haut-Commissaire dut à la fois étudier les questions et les résoudre, apprendre les mauvaises nouvelles et y parer, tout cela avec un minimum de moyens qui a été parfois au delà de l’indigence.

Les difficultés provenant du passé ont été déjà mentionnées. Elles résultaient, en novembre 1919, de la propagande poursuivie à nos dépens, et surtout de l’hypothèque feyçalienne, entérinée par Londres, et dont on sentira bientôt tout le poids.

Mais un succès immédiat et décisif de notre prestige pouvait résoudre sans retard la situation à notre profit. Malheureusement, ce succès ne pouvait être escompté.

Il était impossible parce que, en Orient comme dans les autres pays, on ne peut faire que la politique de sa force, parce