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de journalistes syriens d’Égypte, en majeure partie anciens élèves de l’Université américaine de Beyrouth. Leur principal argument était la richesse de l’Amérique, capable de relever rapidement la Syrie de ses ruines, opposée à la pauvreté de la France, qui chercherait nécessairement à combler l’énorme déficit de ses finances d’avant-guerre en pressurant plutôt qu’en aidant le pays.

Cette Commission unilatérale se comporta avec une excessive partialité. Partout où il fut possible de le faire, elle ne convoqua que nos adversaires, et, d’une manière générale, manifesta une étonnante bonne volonté à n’enregistrer que les déclarations qui nous étaient hostiles. À plusieurs reprises, son président, M. Craen, ne craignit même pas de faire connaître ses opinions personnelles en publiant des articles violemment anti-français, reproduits complaisamment par les journaux d’Égypte.

Pourtant, les résultats obtenus ne furent pas ceux qu’escomptaient nos adversaires. Malgré la pression morale et matérielle exercée, malgré la propagande accomplie depuis l’occupation, l’enquête américaine prouva que l’influence française n’avait pu être sérieusement battue en brèche. Les Israélites et tous les Chrétiens nous donnèrent leurs suffrages. Parmi les Musulmans, un grand nombre nous fut favorable, une fraction importante se prononça pour l’indépendance absolue et la minorité se partagea entre le mandat américain et le mandat anglais, — celui-ci ne recueillant qu’un nombre infime de voix.

Ainsi, à la fin de l’été 1919, la France conservait une situation de premier plan en Syrie, non seulement en zone Ouest, mais aussi en zone Est, où cependant Feyçal agissait en maître sous la bienveillante protection des autorités britanniques. En Cilicie, comme il sera exposé d’autre part, notre situation était plus obscure. Les Arméniens, jugeant le moment venu d’assouvir leur vieille haine contre les Turcs, provoquaient des incidents de toute nature, dont le résultat le plus clair était d’exaspérer le nationalisme latent des populations dévouées au Calife de Constantinople. C’est par ce côté plus encore que par l’aspect purement syrien de la question que le problème du Levant se rattachait directement à la grande partie engagée par les Alliés autour du tapis vert de Paris. La Conférence de la Paix gardait en mains