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L’ŒUVRE DE LA FRANCE EN SYRIE.

n’y avait donc aucune raison pour les Anglais de continuer à assumer la charge d’une coûteuse occupation militaire. La relève fut décidée.

Le Grand Français qui présidait alors aux destinées de notre Gouvernement tint à préciser lui-même au général Gouraud les conditions dans lesquelles elle devait être faite, et lui ayant donné ses instructions, il conclut avec l’habituelle familiarité de son langage : « C’est un homme habillé en kaki comme vous qu’il fallait envoyer au Levant. Mettez un Poilu de chez nous partout où il y avait un Tommy britannique. Je sais que vous n’avez pas choisi d’aller là-bas, mais il y a deux catégories d’hommes : ceux qui pensent à eux avant de penser à la Patrie, et puis les autres. Je sais que vous êtes de ces derniers. Allez ! »

En termes plus officiels, M. Pichon, ministre des Affaires étrangères, s’était adressé aux Syriens : « En procédant à cette relève, écrivait-il, le Gouvernement de la République tient à éclairer les populations indigènes sur ses intentions, afin de dissiper tout malentendu et de ne laisser aucun prétexte aux agitateurs. La France n’a jamais cessé d’être désireuse d’assurer à la Syrie le régime d’ordre, de liberté et de progrès conforme aux principes invariables de sa politique. En envoyant dans le Levant un des plus grands soldats de la Victoire, le Gouvernement français a voulu montrer aux Syriens tout l’intérêt qu’il leur porte. Nul n’est plus qualifié que le général Gouraud pour assurer aux populations ce qu’elles doivent attendre de l’occupation : l’ordre, l’administration et la justice. »

Ainsi, le Gouvernement avait jugé opportun de faire appel à cette force morale que serait pour la France la présence au Levant du général Gouraud, qui la servirait avec tout son prestige auprès des Chrétiens, nos premiers amis du Levant, et par la grande confiance qu’il avait toujours inspirée aux Musulmans.

C’était se conformer à une tradition séculaire qui nous avait toujours donné en Orient une situation prépondérante. M. Louis Madelin a retracé ici même, il y a deux ans, les grandes étapes de cette histoire, qui évoque les noms glorieux de Charlemagne, François Ier et Bonaparte.

Fort de ce passé, et soucieux de l’avenir que nous assurerait, en Orient, la victoire escomptée, le Gouvernement de M. Briand