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Tu m’aimes ! j’en atteste
Le trouble que je lis dans ton regard céleste !
A quoi bon les combats et les vaines pudeurs ?
L’amour a d’un seul coup foudroyé nos deux cœurs !

Clorinde hésite, car elle répugne à la trahison. Elle pense au chagrin que sa fuite va causer à Mucarade. C’est elle qui y pense et non Fabrice, mais celui-ci sait si bien feindre la passion, qu’elle cède. Elle va partir avec lui. Mucarade les surprend, veut tuer Fabrice qui se démasque ; le vieillard jette son épée, et « cachant son visage dans ses mains : »

Mon fils !… Devant mon fils faut-il que je rougisse ?

Bientôt réconciliés, Fabrice et Mucarade s’unissent pour accabler Clorinde :

Vous avez démasqué cette fille : merci.

Clorinde, qui peut croire encore que Mucarade l’épousera, dit à Fabrice qui l’insulte :

Que mon honneur ou non vous semble une chimère,
Songez bien que je vais remplacer votre mère.

À ce mot, Fabrice éclate de colère : elle est à ses genoux, il va la frapper… se retient :

Je m’en vais pour ne pas déshonorer ma main.

Mais Clorinde a été tout à fait prise au piège qui lui était tendu. Elle aime Fabrice, elle tient tête, pour le sauver, au brigand Franca-Trippa son frère, elle brûle la lettre de change extorquée par celui-ci, et s’en va reprendre sa vie d’aventures, puisque les honnêtes gens n’ont pas voulu l’accueillir.

Mais elle ne part pas sans soulager son cœur. Et, non sans quelque raison, elle dit à Fabrice :

Pour vous, monsieur, souffrez que je vous félicite
De votre fourberie et de sa réussite ;
Vous avez des talents pour aller à vos fins,
Qui feraient des jaloux parmi les aigrefins.
Eh bien ! vous m’écoutez tous deux la tête basse,
Et c’est moi qui m’en vais le front haut, moi qu’on chasse,
Moi pour qui l’on n’a pas de mots trop outrageants !
Allons ! Relevez donc les yeux, honnêtes gens !