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de Charmes-sur-Moselle. Les siècles passent sans que le Rhin oublie Jeanne. C’est un Souabe-Rhénan, Schiller (dont les Palatins montrent à Oggersheim la maison longtemps gardée par un vétéran de la Grande Armée), qui proteste contre les facéties détestables de Voltaire ; et qui donne au théâtre la Jeune fille d’Orléans, dont quelques scènes respirent la plus belle poésie ; et pour un peu, en 1839, c’est un Rhénan, Guido Goerres, qui, gagnant les Français de vitesse, allait publier intégralement les deux procès de condamnation et de réhabilitation. Déjà de Domrémy, où il avait pieusement sollicité la mémoire de Jeanne, il était arrivé à la Bibliothèque Nationale pour y prendre copie de ces saintes reliques, quand la « Société de l’Histoire de France, » justement émue de la sanglante leçon qu’allait recevoir notre trop longue négligence, chargea en hâte de cette tâche nationale le jeune Jules Quicherat.

Telle est la part belle et sincère de la Rhénanie, et l’histoire en main, je peux dire que le premier feu du culte de Jeanne d’Arc ne s’alluma nulle part plus vite et plus vif qu’aux bords du Rhin et de la Moselle[1].

Puisse donc la Vierge lorraine être le signe reconnu par la Rhénanie, l’emblème des bonnes volontés franco-rhénanes, une figure de la lumière et de la paix françaises !

Et que ce soit là notre avant-dernier mot, car le dernier, je l’adresse, comme une interpellation directe, aux Alsaciens et aux Lorrains qui, depuis cinq leçons, associent leur pensée à mes recherches.


MESSIEURS,

Les Alsaciens et les Lorrains ont eu la plus grande part dans le beau travail français de jadis sur le Rhin. Avez-vous remarqué dans notre course errante à travers la Rhénanie, à travers ses légendes, ses institutions charitables et ses organisations sociales, l’action décisive qu’il faut leur attribuer dans les meilleurs résultats atteints par la France ? Il est frappant que presque tous les fonctionnaires rhénans de la Révolution et de l’Empire sont des Alsaciens et des Lorrains, depuis le

  1. Jeanne d’Arc appartenait au diocèse de tout qui relevait de la métropole de Trêves. L’évêque de Toul, André du Saussay, dans son Martyrologium gallicanum (Paris, 1638), place Jeanne parmi les personnages « morts en odeur de sainteté » et honore son « martyre » à la date du 29 juin.