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leur proposer la jeunesse de Stendhal comme l’idéal de l’adolescent contemporain.

Bien ou mal, le type de vie que des siècles ont maintenu dans les habitudes du pays rhénan, tient à se garder à l’écart d’une centralisation de mœurs trop poussée. Nous avons à le comprendre et nous n’avons pas à essayer de l’assimiler à des habitudes parisiennes. Rien de plus caractéristique à cet égard que le recul d’un Rhénan comme Goerres, parfaitement bien intentionné à l’égard d’une entente franco-rhénane, et qu’un séjour de quelques semaines à Paris sous le Directoire suffit pour rejeter loin de nous, parce qu’il n’a rien vu dans notre capitale que nos aspects les plus apparents, — les plus différents aussi, — des tendances profondes de son peuple à lui.

Ce que les Rhénans recherchent avant tout, c’est un idéal de l’âme qui leur soit propre et qui les satisfasse : ils demandent à cultiver en toute liberté leurs vertus de race, leurs aptitudes héréditaires, tout ce qui est puisé dans leur riche passé historique et leur sol fertile. Ils savent qu’ils appartiennent à une très antique civilisation et demandent à en cultiver en paix tous les apports. Pas plus qu’ils ne voudraient de la sociabilité un peu vaniteuse de certains cercles parisiens, ils ne s’accommodent de la mécanisation d’outre-Rhin. Pathétique destin de cette vallée et de sa population, qui à travers les siècles n’est jamais parvenue à dégager son génie et à vivre sa vie ! Les Rhénans ont cru un instant, après 1870, trouver leur voie et satisfaire leurs aspirations dans je ne sais quel pangermanisme d’intellectuels et de militaires prussiens. Et c’est là-dessus qu’on nous dit : « Ne soyez pas dupes, la Rhénanie d’aujourd’hui est pangermaniste et prussienne, tout animée par des agriculteurs qui mènent le combat pour l’Allemagne des hobereaux, et par des industriels qui sont les plus acharnés défenseurs de la métallurgie berlinoise. » Mais ne perçoit-on pas, dans ce concert de teutonisme trop réel, plus d’un accent déjà d’amertume, de désillusion, voire de colère ? C’est entendu, cette Rhénanie qui n’a pas su encore se stabiliser oscille perpétuellement. Un de ses hommes les plus représentatifs, Goerres, s’est enthousiasmé de la France, puis détourné violemment de nous, et après des années dépensées à la propagande du pangermanisme le plus frénétique, on l’a vu se réfugier à Strasbourg et s’y mettre à l’école des prêtres alsaciens, qui firent de lui l’apôtre catholique qu’il