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visibles, certaines et irréfutables. Ne dites pas que l’action de la France a duré de 1792 à 1815 : l’action bienfaisante de nos administrateurs, de nos écrivains, de nos ordres religieux, de nos industriels s’est prolongée jusqu’aujourd’hui.

Voici, à travers les plateaux et dans les vallées, l’admirable réseau de routes que les ingénieurs français ont construit ; voici, dans les grandes villes industrielles et commerçantes, à Cologne, à Mayence, à Aix-la-Chapelle, à Trêves, les chambres de commerce que l’administration napoléonienne a créées ; voici les hôpitaux que dirigent encore les sœurs de Saint-Charles, l’hôpital Saint-Irmin à Trêves, l’hôpital civil à Coblence, l’Institution Joséphine à Aix-la-Chapelle ; voici, partout et jusque dans les plus petites villes des campagnes, les couvents, les ouvroirs, les écoles de nos congrégations charitables françaises ou des congrégations rhénanes fondées sur des modèles français, et qui se nomment Sœurs du Pauvre Enfant-Jésus, Sœurs de Saint-François, Sœurs de la Providence de Fincken ; voici les gymnases allemands de Cologne, de Trêves, de Mayence qui ne sont autres que les lycées de Napoléon ; voici les grands musées d’antiquité de Cologne et de Trêves, dont les premières collections furent rassemblées à l’époque française par des érudits locaux, Walraff à Coblence, Wyttenbach à Trêves ; voici encore à Trêves, dans les bâtiments de l’ancien couvent des Capucins, le premier théâtre de la Rhénanie, institué par un décret de Napoléon de 1804. Et même ce monument de Gutemberg, à Mayence, c’est le préfet Jean Bon Saint-André qui en rassembla les premiers fonds.

Et ces monuments, ces institutions continuent d’agir, demeurent mêlés à l’actualité vivante de la Rhénanie. Quand nos troupes ont évacué le pays en 1815, elles y laissaient toute une arrière-garde fidèle, un état-major de Français-Rhénans, dont nous retrouvons aujourd’hui là-bas, dans la moindre commune, la descendance physique et spirituelle : petits-neveux des notables de l’époque napoléonienne, qui montrent avec plaisir sur les murs de leur salon le portrait du maire, du sous-préfet, du conseiller de préfecture, du membre des tribunaux ou des chambres de commerce par qui fut anoblie leur lignée ; petits-neveux encore des chevaliers de la Légion d’honneur et des vétérans de la Grande Armée, qui, chaque année, au 15 août, vont en cortège porter des fleurs sur les tombes devenues légendaires