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ses armées sont battues, l’une après l’autre, en Mandchourie ; ses flottes sont coulées, l’une après l’autre, dans les mers de Chine. Puis, un grand souffle de révolution parcourt la Russie : les émeutes et les massacres se succèdent, sans interruption, à Varsovie, au Caucase, à Odessa, à Kiew, à Vologda, à Moscou, dans les Provinces baltiques, à Kharkow, à Saint-Pétersbourg, à Cronstadt ; le meurtre du Grand-Duc Serge-Alexandrowitch ouvre l’ère des assassinats politiques. Et, quand la tourmente vient à peine de se calmer, le Président du Conseil, Stolypine, qui s’annonçait comme le sauveur de la Russie, tombe, un soir, au théâtre de Kiew, devant la loge impériale, sous le revolver d’un agent de la police secrète.

Arrivé au terme de cette série funeste, N… conclut :

— Vous reconnaîtrez, Excellence, que l’Empereur est voué aux catastrophes et que nous avons le droit de trembler, quand nous réfléchissons aux perspectives que cette guerre ouvre devant nous.

— Ce n’est pas en tremblant qu’on agit sur le destin ; car je suis de ceux qui croient que le destin est obligé de compter avec nous ; mais, puisque vous êtes si sensible aux influences néfastes, n’avez-vous donc pas remarqué que le Tsar, a aujourd’hui, parmi ses adversaires, un homme qui, pour la mauvaise chance, ne le cède à personne, l’empereur François-Joseph ? Contre celui-ci, on ne risque rien à jouer ; on est sûr de gagner !

— Oui ; mais il y a aussi l’Allemagne. Et nous ne sommes pas de force à la vaincre !

— Seuls, non. Mais vous avez, à côté de vous, la France et l’Angleterre… Puis, de grâce, ne vous dites pas d’avance que vous n’êtes pas de force à vaincre l’Allemagne. Battez-vous d’abord, avec toute l’énergie, tout l’héroïsme dont vous êtes capables, et vous verrez que, chaque jour, la victoire vous apparaîtra plus certaine !


Mercredi, 9 septembre.

A l’Est de Paris, depuis l’Ourcq jusqu’à la région de Montmirail, les troupes françaises et anglaises progressant lentement. La décision générale ne peut plus tarder.