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GABRIELLE.

Mes regrets ?

STÉPHANE.

Il vous faut renoncer pour me suivre
Au luxe où vous avez l’habitude de vivre ?
Je suis loin d’être riche et la modicité
De mon bien pour nous deux sera la pauvreté.

GABRIELLE.

La craignez-vous ?

STÉPHANE.

Non pas pour moi ; j’ai du courage,
Mais vous, faite aux douceurs d’un riant entourage,
Elevée au milieu de la soie et des fleurs,
Acclimaterez-vous votre existence ailleurs ?

Il décrit l’humble existence qui leur sera possible, et c’est lui, maintenant, qui est terre à terre :

La pauvreté qu’on croit de loin si poétique,
C’est, dans tout son dégoût, le détail domestique,
C’est le trou dans l’habit qu’on doit mettre demain.
Voilà, voilà quel sort vous attend ; songez-y.

GABRIELLE.

C’est celui qui me plaît et que j’aurais choisi,
Ah ! que je quitterais ce salon avec joie
Si je n’y laissais rien que les fleurs et la soie !

Surgit un nouveau personnage, Camille, la fille de Gabrielle. Camille a six ans. La mère lui fait ses adieux. Non sans quelque remords :

GABRIELLE.

Cet être que j’adore,
On l’instruira peut-être à détester mon nom ;
Je ne serai pas là pour me défendre… Non !
Je ne puis la quitter, je ne puis !

STÉPHANE, à part.

Je respire !