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quelques jours. Nous allons donc retrouver demain l’industrie allemande rajeunie, conduite par une poignée de capitaines audacieux et cherchant à conquérir de nouveau tous les marchés du monde.

Tant mieux pour l’Allemagne. Cette merveilleuse renaissance fait honneur à son esprit d’initiative, à sa volonté, à son patriotisme. Nous n’avons pas l’âme assez basse pour ne pas rendre justice à des efforts aussi remarquables. Mais, du moins, que l’Allemagne cesse de crier misère! Qu’elle ne se pose plus en débiteur insolvable ! Qu’elle jette le masque de la faim et de la pauvreté!

L’éminent conférencier dont je parlais tout à l’heure rappelait à son auditoire un mot d’un écrivain allemand, M. Paul Michaelis, qui dans un livre intitulé : Von Bismarck bis Bethmann Hollweg, et publié en 1912, avouait : « Ce qui nous manque le plus, c’est le désir sincère de dire la vérité. » Et il se trouve que cet aveu n’est que la reproduction du mot célèbre de Velleius Paterculus, qui, soixante ans avant Tacite, disait des Germains qu’ils semblaient nés pour le mensonge. Le jugement sévère du vieil historien latin et du moderne auteur allemand est évidemment un peu sommaire, et je n’ai garde de m’approprier des appréciations aussi générales. Mais combien M. Georges Blondel a raison cependant de dénoncer le dédoublement de la conscience allemande et de montrer que l’Allemand le plus honnête et le plus franc dans la vie privée se croit, le plus souvent, autorisé à mentir dans ce qu’il imagine être l’intérêt de son pays! Deutschland über alles, même au-dessus de la vérité. Un distingué professeur allemand, que j’avais reçu autrefois à ma table, m’écrivait avant la guerre des lettres charmantes et pleines d’admiration pour la France. Il a signé le manifeste des Quatre-vingt-treize.


RAYMOND POINCARE.

Le Directeur-Gérant : RENE DOUMIC.