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premier coup d’œil à la Tour Eiffel, ou à ces étranges tourelles en treillis métalliques qui servent de mâts aux cuirassés américains.

Cela laisse une impression apocalyptique et vraiment unique au monde et dont rien, pour ceux qui n’ont pas vu cela, ne peut donner une idée. Ainsi, à côté même de la plantureuse plaine à céréales, se dresse cet autre pôle de la neuve puissance roumaine : la richesse minérale. — Ce n’est pas ici le lieu d’expliquer, — puisqu’aujourd’hui je ne veux donner que des impressions de voyage, — comment se fait là-bas l’extraction du pétrole, ce qu’est celui-ci et comment il soulève aujourd’hui des questions fondamentales pour l’avenir de la civilisation et la sécurité de chaque pays. Ces questions techniques je compte les traiter dans une prochaine Revue scientifique. Je veux seulement retenir aujourd’hui de ceci, qu’un pays, qui possède, côte à côte et à la fois, le sol le plus riche en céréales et le sous-sol le plus riche en pétrole de l’Europe, est un grand pays d’avenir, et que la France doit se l’attacher non seulement par le cœur et le cerveau, non seulement parce qu’il est beau et intelligent, mais par le sang et par la chair, par les liens économiques et matériels sans lesquels les plus belles idées ne sont, dans ce monde de fer, qu’une fumée que le premier vent balaye.


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La plus curieuse et la plus riche des impressions que j’ai gardées de ce bref séjour en Roumanie est celle de mon voyage à Csernowitz, capitale de la Bukovine, cette province naguère autrichienne, qui est située entre les Carpathes et l’Ukraine et qui est aujourd’hui un des plus beaux fleurons de la Roumanie agrandie. Csernowitz, ou pour mieux et roumainement dire, Cernauti, est célèbre dans les annales de la guerre et il n’est pas un Français qui ne se souvienne des communiqués successifs qui annonçaient la perte, puis la reprise par les Russes, — pour lors nos alliés, — de ce bastion avancé de la vieille Autriche.

Il était juste et bon que la Bukovine revint à la Roumanie, car si sa capitale est encore habitée, pour une bonne part, d’Autrichiens et surtout de juifs galiciens, la campagne qui l’environne et qui fait sa richesse est presque exclusivement peuplée de paysans roumains.

La ville par elle-même n’est pas extrêmement curieuse,