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ces maisons paysannes, avec leur toit en biseau faiblement incliné dont la bordure, dépassant largement la maison, vient s’appuyer à l’extérieur sur des poutres de bois, en formant devant la demeure comme une marquise. Des sculptures sur bois naïves mais pleines de goût dans leur simplicité ornent souvent ces maisonnettes d’un caractère très latin. C’est là que vivent ces paysans roumains qui, — nos officiers les ont vus à l’œuvre, — se montrèrent de rudes soldats d’une résistance sans égale, et qui forment la solide armature, la force et le ciment de la Roumanie. On a décrit mille fois leurs costumes pittoresques et pratiques, leurs chaussures de peau, leurs cojok ornés de broderies rouges, vertes ou bleues, et là-dessus la cacioula, le haut bonnet en peau de mouton qui couronne de sa ligne fière et coquette tant de beaux profils romains à la peau mate, aux grands yeux noirs, aux dents éblouissantes.

C’est vraiment une belle race, fine, élégante, distinguée jusque dans ses couches les plus basses et qui fait penser à la fois aux Arabes des oasis sahariennes, — avec plus de douceur dans le regard, — et à nos Français de Provence. Nous traversons maintenant ces terres noires d’où tant de pain et de richesse sont déjà sortis et sortiront encore. Les petits chevaux maigres, sobres et résistants passent, traînant le char à bancs, et croisant les petites vaches efflanquées du pays. Parfois les masses imposantes de deux bœufs des steppes dépassent de toute leur taille cette faune paysanne, traînant avec une lente majesté quelque lourd chariot et barrant la route de leurs cornes immenses magnifiquement incurvées et qui semblent deux accolades tracées par quelque enlumineur d’art sur la page blanche du poudroyant chemin.

Au sortir de ces impressions bucoliques, le contraste est violent lorsque la cité des distilleries de pétrole, Ploesci, dresse ses usines aux cheminées pressées, ses cornues de terre réfractaire où les diverses essences de pétrole sont sélectionnées, ses immenses citernes dont le pipe-line conduit à la mer le précieux contenu. Le contraste est plus grand encore lorsque, de là, nous parvenons enfin, après avoir traversé le village tzigane de Darmanesti, à Moreni, l’étrange vallée où par dizaines et par centaines, partout, au flanc des coteaux, sur les sommets, dans les creux, les puits de pétrole érigent sur le ciel l’architecture de leurs pylônes aux poutrelles entrecroisées, et qui ressemblent au