Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/607

Cette page a été validée par deux contributeurs.


AU TEMPS DE L’INNOCENCE



DERNIÈRE PARTIE[1]



XXX


Ce soir-là, quand Archer descendit, il ne trouva personne au salon. Il devait dîner seul avec sa femme ; toutes les sorties du soir avaient été suspendues depuis la maladie de Mrs Manson Mingott, et il fut surpris que May, si exacte, ne l’eût pas devancé.

Elle apparut enfin, en robe décolletée étroitement lacée : le protocole de leur monde exigeait la grande toilette, même en famille. Pas une coque ne manquait aux rouleaux compliqués de ses cheveux blonds. Mais Archer lui trouva le teint pâle et les traits tirés.

— Qu’êtes-vous devenu ? demanda-t-elle. Je vous ai attendu chez grand’mère. Ellen est arrivée seule, disant qu’elle vous avait laissé en route, que vous aviez dû courir à vos affaires. Rien de fâcheux ?

— Non ; quelques lettres à expédier.

— Je regrette bien que vous ne soyez pas venu chez grand’mère ; sans doute ces lettres étaient urgentes ?

— Oui, fit-il, gêné par cette insistance.

C’est vrai qu’il avait promis, le matin, d’aller retrouver May chez sa grand’mère. Cela l’irritait qu’un si léger manquement

  1. Voyez la Revue des 15 novembre, 1er  et 15 décembre 1920, 1er  et 15 janvier 1921.