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la trouvera que dans l’esprit de celle dont nous venons d’esquisser les grandes lignes.

Le traité pose en principe que les Dardanelles, la Marmara et le Bosphore sont ouverts en tout temps à tous les navires de commerce ou de guerre. La Mer Noire, où jusqu’ici pouvaient naviguer seulement les vaisseaux de guerre des États riverains, puisque les autres n’avaient pas la possibilité de franchir les Détroits, se trouve maintenant ouverte à toutes les escadres ; le résultat est qu’en fait, c’est la Puissance maîtresse des mers qui devient la vraie maîtresse des Détroits et qui contrôle la Mer Noire. Le Sultan étant maintenu à Constantinople, il est facile d’exercer sur son gouvernement une pression politique par des moyens navals.

Sans doute, le traité entoure de précautions le passage des Dardanelles et du Bosphore. Le contrôle sur les Détroits et les côtes avoisinantes appartient à une Commission où viendront siéger, avec deux voix, les représentants des États-Unis (éventuellement), de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Italie, du Japon, de la Russie (quand elle fera partie de la Société des Nations) et, avec une voix, ceux de la Roumanie, de la Grèce, de la Bulgarie (quand elle sera agréée dans la Société des Nations), et de la Turquie. Aucun acte d’hostilité ne devra être commis dans la zone des Détroits, sauf le cas d’exécution d’une décision du Conseil de la Société des Nations. La Commission disposera d’un corps de troupes de police pour faciliter l’exécution des tâches qui lui seront confiées. Mais commentées précautions ne deviendraient-elles pas illusoires le jour où un intérêt important viendrait à tenter la Puissance qui possède le pouvoir sur mer ?

Si l’on juge du proche avenir par un récent passé, on peut craindre que les représentants de l’Angleterre à Constantinople ne s’appliquent d’abord à éliminer l’influence française, historiquement, moralement et économiquement si forte à Constantinople. Le récit des procédés de toute nature par lesquels les agents britanniques, depuis les plus élevés jusqu’aux moindres, — sauf quelques exceptions, — ont cherché et souvent réussi à discréditer l’influence de la France, remplirait un volume. Les moindres traits n’en seraient pas cette « entrée » à grand orchestre des troupes anglaises dans Constantinople, où, depuis plus d’un an, elles étaient installées avec les autres garnisons