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Pologne, même par un lien fédéral ou une simple alliance qui aurait cependant, pour la stabilité du continent européen et la paix de l’avenir, l’immense avantage de séparer la Russie soviétique de l’Allemagne frémissante ; les Allemands avaient, durant la guerre, soutenu en Lithuanie un parti numériquement peu nombreux, mais actif, qui est hostile à toute union, fédération ou alliance avec la Pologne et qui s’est installé au pouvoir avec leur appui ; les Anglais ont continué, à l’encontre de la France, la même tactique et se sont appuyés sur les mêmes hommes. Ils ont cru que, si elle n’est qu’un tout petit État indépendant, la Lithuanie aura besoin d’un appui extérieur que l’Angleterre est prête à lui accorder, en même temps qu’elle lui achètera ses stocks de lin, dont les filatures du Royaume-Uni ont un besoin urgent ; le port de Libau, toujours libre de glace, qui est l’une des issues commerciales de la Russie, restera ainsi ouvert aux bateaux et au négoce anglais.

Menacée sur son aile gauche, dans sa défense désespérée contre les armées bolchévistes, par la neutralité hostile de la Lithuanie, la Pologne est menacée sur son aile droite par les menées séparatistes des Ruthènes de la Galicie orientale[1]. Là, pas de port ni de voie navigable, mais du pétrole destiné à être exporté par les ports anglais de la Baltique ; si la Pologne était un riche et florissant État, elle pourrait, peut-être, avec le concours des Français ou des Américains, exploiter elle-même ses puits de pétrole ; au contraire, si la Galicie orientale faisait sécession et formait un petit État indépendant, l’Angleterre, à qui il devrait la vie, assurerait elle-même la mise en valeur de son sous-sol et dirigerait ses huiles minérales vers Dantzig. La question, après de longs débats, a été résolue par la Conférence en faveur des revendications polonaises et au mieux des intérêts généraux de l’Europe continentale ; le contact est assuré par-là entre Pologne et Roumanie, dont l’alliance défensive serait, pour l’une et pour l’autre, une garantie de salut. L’offensive « rouge » de juillet a bien montré de quelle importance sont, pour la défense de la Pologne, la Lithuanie et la Galicie. Les bolchévistes travaillent à séparer la Lithuanie de la Pologne et à tenir la première à leur merci, afin de venir plus aisément à bout de la seconde. Le danger peut renaître demain pour la

  1. Nous avons exposé ici la question de Galicie. Voyez la Revue du 15 février 1919 et notre récent volume : La Reconstruction de l’Europe politique (Perrin).