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la trace à l’état instinctif ou à demi conscient dans certains esprits anglais.

Une convention annexe, signée en même temps que le traité de Versailles, assure à la France « l’aide » de l’Angleterre « dans le cas d’un acte d’agression non provoquée, dirigé par l’Allemagne contre la France. » Mais cette convention, — son texte même en fait foi, — n’a été qu’un gâteau de miel destiné à calmer les appréhensions et dissiper le mécontentement des plénipotentiaires français, qui, n’ayant obtenu, après de longues et âpres batailles, que des avantages insuffisants ou illusoires, réclamaient au moins pour la France des garanties de sécurité. L’engagement de la Grande-Bretagne n’est valable qu’après ratification de l’engagement identique et simultané pris par les États-Unis ; il doit, en outre, être soumis au Conseil exécutif de la Société des Nations. Il est sans réciprocité ; il n’a donc pas, les caractères que le droit international attribue à une alliance ; c’est un secours éventuel que l’Angleterre s’oblige conditionnellement à apporter à la France, et rien de plus. La convention s’intitule « aide à donner à la France (Assistance to France) au cas d’agression allemande non provoquée. » Si, plus tard, la ratification des États-Unis venait donner force exécutoire à ses stipulations et aux engagements britanniques, on pourrait trouver d’autres échappatoires ; la Société des Nations doit être appelée à se prononcer sur sa propre efficacité, et à déclarer, selon les termes de la convention du 28 juin, que sa constitution est assez forte pour apporter à la France une garantie suffisante de sécurité[1] ; l’Angleterre s’est réservé une large part d’influence dans le Conseil de la Société des Nations ; peut-être présume-t-elle qu’une société, quelle qu’elle soit, n’invoque jamais volontiers sa propre faiblesse. Il reste toujours, au pis-aller, la ressource d’épiloguer sur la provocation. Ainsi, de toute façon, les engagements du Cabinet de Londres ne pèseront pas lourdement sur sa politique ; la garantie qu’ils ont l’air de nous apporter ne suffit pas à nous endormir. La France victorieuse

  1. Art. 3. — Le présent traité devra être soumis au Conseil de la Société des Nations et devra être reconnu par le Conseil, décidant, s’il y a lieu, à la majorité, comme un engagement conforme au pacte de la Société ; il restera en vigueur jusqu’à ce que, sur la demande de l’une des parties audit traité, le Conseil, décidant, s’il y a lieu, à la majorité, convienne que la Société elle-même assure une protection suffisante.