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Les Français de la Révolution et de l’Empire arrivèrent sur le Rhin en libérateurs. Tous les historiens de l’industrie rhénane le déclarent sans permettre aucune contestation. Ainsi le livonien Alphons Thun, un des premiers historiens de l’industrie rhénane : « Avec les Français tombèrent toutes les barrières juridiques… »

Et d’abord tombèrent ces empêchements mortels que créait pour l’industrie le système des corporations, du privilège et du monopole. Nous avons jeté bas ces aides de jadis, devenues des mensonges. Jusqu’à nous, pour ouvrir une maison, il fallait obtenir un privilège. Avec nous, chacun, s’il a confiance dans son énergie, peut courir sa chance. Le principe d’émancipation individuelle de la Révolution, périlleux par certains côtés, fait merveille en face des bâtisses lézardées du passé. C’est le régime français qui a permis aux ancêtres des grands financiers, industriels et commerçants rhénans de devenir indépendants et de fonder leur propre maison. Le grand banquier Mevissen, celui qui a construit les premiers chemins de fer du Rhin, aimait à rappeler que son père, avant 1798, était un modeste compagnon. « Ce sont les Français, disait-il, qui lui ont donné la liberté d’ouvrir un atelier, où il fabriquait du fil, dans sa petite ville natale près de Crefeld. Aussi fallait-il voir le cas que mon père faisait de Napoléon. »

Le paysan, nous l’avons libéré des droits seigneuriaux, et en permettant le libre partage du sol, nous lui avons donné la facilité de posséder, lui aussi, son bien.

Le commerçant, nous l’avons libéré des douanes intérieures.

Le compagnon, l’employé, nous lui avons permis de circuler librement de ville en ville, de fonder boutique ou atelier à l’endroit qu’il a choisi, et même de réunir plusieurs occupations pour accroître son gain.

Avec quelle satisfaction les Rhénans reçurent ce beau cadeau de liberté ! Dans son livre sur les Palatins, Riehl montre que ces réformes correspondaient profondément à leur humeur indépendante et à leur activité. Ils les adoptèrent si étroitement qu’il ne pouvait plus être question de les leur arracher. A notre départ, l’administration prussienne n’osa pas y toucher. Il y a là un fait d’immense importance, qui différencie désormais les