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trouver un peu sévère. Il y a peut-être aussi des choses qu’il ne faut pas toucher quand il s’agit d’une personne qu’on a aimée, je veux dire le côté pécuniaire…

« Je crois donc qu’aux épreuves, vous ferez bien, pour vous, non pour d’autres, d’adoucir quelques passages, d’accorder quelque chose de plus à l’artiste, de représenter Thérèse moins parfaite[1]. Il faut, en quelque sorte, tout peser et modérer, comme si Alfred était là, et pouvait vous répondre… « Somme toute, certaines choses adoucies ou supprimées, ce sera peut-être une de vos meilleures compositions. On voit bien que vous avez voulu repousser certaines accusations, que vous avez parfaitement le droit de repousser, parce qu’elles sont fausses, car Alfred lui-même les eût repoussées. Mais il faut faire en sorte de le faire sans charger sa mémoire (comme je me plais encore à reconnaître que ç’a été votre intention), en ménageant mieux quelques expressions et quelques passages qui pourraient être mal pris. Certes, vous n’avez pas tué le poète, comme on l’a dit, vous lui avez plutôt fourni ses plus belles inspirations, qui n’ont pas toujours été très ménagées, mais que le public ne pouvait pas saisir, tandis qu’il saisira facilement les applications de votre roman. C’est d’ailleurs tout à fait votre droit, dès que vous prenez la forme romanesque, et, en glorifiant un peu plus encore l’artiste, vous éviterez tous les périls[2]… »

Le 19 août, autre lettre de F. Buloz. Il renvoie à l’auteur son manuscrit : il a marqué au crayon bleu les passages dont il désirerait l’atténuation ou même la suppression ; il voudrait lui en voir changer d’autres ; et puis : « Je croirais très heureux pour vous et le roman, que vous puissiez adoucir, jeter un peu plus dans l’ombre, les endroits où Thérèse passe si facilement des bras de Laurent dans ceux de Palmer. Celui où elle se donne à Palmer qui veut l’épouser, pour éprouver s’il persistera ensuite dans ses idées de mariage, fera quelque peu crier. Moi, cela ne me choque pas trop. Mais le monde en sera plus choqué… » Et George, suivant docilement ce conseil, renonce à cette épreuve, que Thérèse faisait subir à Palmer. On n’en voit plus trace dans Elle et Lui.

Le 1er septembre, l’auteur remit au directeur le manuscrit

  1. On se souviendra que Thérèse, c’est l’héroïne George.
  2. Citée dans la Véritable histoire d’Elle et Lui par S. de Lovenjoul.