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FRANÇOIS BULOZ ET SES AMIS
AU TEMPS DU SECOND EMPIRE


I

Après l’aventure d’Horace, qui les divisa, après leur procès même, George Sand et François Buloz, on l’a vu, s’étaient réconciliés. Leur amitié, scellée de nouveau, au-dessus du lit de mort d’un petit enfant, ne devait plus se rompre. Est-ce à dire qu’en vieillissant, George, assagie, ne fit plus subir à son directeur ces rudes bourrades dont elle était coutumière ? Non : les aventures d’autrefois se renouvelèrent. La question d’argent, quoique moins cuisante, est un fort joli sujet de discussion encore, puis vient la politique, — puis Maurice, — les romans de Maurice, que F. Buloz ne trouve pas toujours à son gré. L’excellente mère, alors, reprend les foudres de jadis, pour accabler le tyran, juge cruel et sans discernement, étouffant dans l’œuf les promesses du génie…

Malgré ces différends, on peut dire que les deux amis ne se séparèrent plus, quoique constamment éloignés l’un de l’autre. Leur correspondance, surtout depuis 1851, reprend comme autrefois, et après 1859, après Elle et Lui, aussi fréquente et familière. Leurs opinions, leurs idées se modifièrent-elles avec les années, et cette modification fut-elle pour quelque chose dans leur rapprochement ? Nullement. George resta jusqu’à la fin « l’apôtre du désordre, » comme l’avait écrit M. Nisard, et F. Buloz aimait l’ordre. C’est pourquoi elle le gratifiait, dans ses bons jours, du titre de « garde national, » flétrissant ainsi l’infâme bourgeois qu’ : il représentait trop nettement à ses yeux.