Mr Jackson reprit :
— Je ne sais pas jusqu’à quel point la famille de votre femme se rend compte combien ce refus de Mme Olenska est regrettable.
— Et pourquoi regrettable ?
Le regard de Mr Jackson coula le long de sa jambe, jusqu’à la chaussette lisse bordée de l’escarpin verni.
— Eh bien ! sans chercher plus loin, de quoi vivra-t-elle maintenant ?
— Maintenant ?
— Oui : si Beaufort est ruiné…
Archer se leva d’un bond, frappant du poing le bureau de noyer : les couvercles du double encrier de cuivre sursautèrent.
— Que voulez-vous dire par là ?
Mr Jackson, se redressant un peu, regarda avec sang-froid la figure bouleversée du jeune homme.
— Mon Dieu, je tiens de bonne source, — en fait, de la vieille Catherine elle-même, — que la famille a considérablement réduit la rente de la comtesse Olenska depuis qu’elle a refusé de retourner chez son mari. Par ce refus, la comtesse a aussi renoncé aux sommes qui lui avaient été reconnues par contrat.
Archer, appuyé contre la cheminée, secoua sur le foyer les cendres de son cigare.
— Je ne sais rien des affaires de Mme Olenska ; mais je n’ai pas besoin de les connaître pour être certain que ce que vous insinuez…
— Oh ! ce n’est pas moi, c’est Lefferts, interrompit Mr Jackson.
— Lefferts ! qui lui a fait la cour, et qui a été remis à sa place, dit Archer avec mépris.
— Ah ! il lui a fait la cour ? rétorqua l’autre, comme si c’était là ce qu’il avait cherché à savoir.
Archer s’était laissé prendre au piège.
— Allons, allons ! reprit Mr Jackson, c’est fâcheux qu’elle ne soit pas partie avant la faillite Beaufort. Si elle part maintenant et que celui-ci croule, l’impression, qui, entre nous, n’est pas particulière à Lefferts, sera confirmée.
— Elle ne partira certainement pas ! à présent moins que jamais !…
Archer n’eut pas plus tôt prononcé ces mots qu’il se rendit compte qu’il était de nouveau tombé dans un piège.
Le vieillard le fixa du regard.