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tel qu’il n’en a été constaté de pareil nulle part ailleurs ?

Le contraste montre évidemment chez lui une surprenante facilité à passer d’un extrême à l’autre. Mais ce qui vient de le rejeter à l’extrême opposé, — ou peu s’en faut, — ce n’est pas une évolution spontanée et fatale ; ce sont les péripéties du règlement adriatique.


V. — LE PROJET TARDIEU — LA CHUTE DU CABINET ORLANDO

La conversation reprend à Paris, au point où l’avait suspendue le malencontreux message de M. Wilson. L’ambassadeur des Etats-Unis à Rome, M. Page, est parti sur les talons des ministres italiens pour ouvrir les yeux de son président sur la gravité de la crise qui sévit dans les rapports interalliés. Des entretiens qu’il a eus au Crillon, il rapporte l’impression que M. Wilson sera irréductible sur son refus de Fiume aux Italiens. Tout au plus pourra-t-on l’amener à la soustraire aux Yougo-Slaves. L’impression est la même au quai d’Orsay et à l’Astoria, Foreign Office parisien de M. Lloyd George. C’est pourquoi la délégation française, interposant ses bons offices, s’en tient encore au principe précédemment admis par elle : Fiume ni aux Italiens, ni aux Yougo-Slaves, mais autonome, sous le contrôle de la Société des Nations. Un de nos délégués, M. Tardieu, prend l’affaire en mains et, allant de M. Orlando à M. Wilson, de M. Wilson à M. Trumbitch, met sur pied un projet, qui s’étend à toute la question adriatique et sur lequel la discussion est au moins possible.

En voici les bases : Fiume-ville, sans le faubourg slave de Sussak, formera avec la région située immédiatement à l’Ouest un petit État indépendant, placé sous la tutelle de la Société des Nations, limitrophe de l’Istrie italienne et englobant la voie ferrée qui se dirige vers Saint-Peter et Lubiana (Laybach) ; Zara et Sebenico seront placées sous la souveraineté de l’Italie, qui renoncera à toute autre partie de la côte dalmate et de son hinterland ; et les dalmates présentant ! Un intérêt stratégique, soit Cherso, Lussina, Lissa et les îles extérieures qui lui sont voisines, seront dévolues à l’Italie ; la Société des Nations donnera à l’Italie le mandat sur l’Albanie, où la Convention de Londres lui reconnaît déjà une situation spéciale et la possession de Vallona.

Des pourparlers officieux se poursuivent, en dehors des