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Nations ; les îles dévolues comme dans la Convention de Londres ; octroi réciproque de garanties spéciales et faculté réciproque d’option pour les populations ; malheureusement, cette suggestion ne peut recevoir de suite.

C’est qu’aucune solution ayant pour base l’attribution ; fût-ce conditionnelle et retardée, de Fiume à l’Italie, n’a la moindre chance de succès auprès de M. Wilson, qui s’en tient encore strictement, pour Fiume comme pour la Dalmatie et pour l’Istrie orientale, aux conclusions de son message public : le tout à la Yougo-SIavie. Entre ses dispositions et le projet Barrère, l’écart est trop sensible. Or toujours pas de solution possible sans M. Wilson. Il ne se prêterait pas à dégager sa propre responsabilité, en se tenant en dehors de la question adriatique et en laissant aux trois autres le soin de la résoudre à leur gré. Donc aucune autre alternative que de s’accommoder avec lui ou de s’exposer à une rupture avec lui : et ce risque-là, l’Italie moins que toute autre peut le courir.

Les services mêmes que M. Clemenceau peut rendre à notre alliée latine sont limités par l’irritation de M. Wilson contre elle et par la prudence de M. Lloyd George. C’est sans excessif regret que le président Wilson a vu la délégation italienne s’éloigner de l’Edouard-VII, et, ne l’y verrait-il pas revenir, qu’il s’en consolerait aisément. Les protestations soulevées par son message, les manifestations de Rome, les attaques de presse contre sa personne l’ont vivement mécontenté. Très attentif alors à ne pas se l’aliéner, M. Lloyd George ne se soucie nullement de prendre contre lui fait et cause pour l’Italie.

Pour motivée qu’elle ait été, la retraite momentanée des plénipotentiaires italiens n’a, au surplus, pas servi leur cause à Paris. Elle a laissé le champ libre à leurs adversaires, et, en paralysant le travail de la Conférence, gêné jusqu’à leurs amis.

Si elle se prolongeait, elle leur donnerait l’apparence d’assumer la responsabilité d’une rupture, et de chercher à faire pression sur leurs alliés français et anglais, en empêchant, par leur absence, la continuation et la conclusion des négociations de paix. Aussi est-elle déjà exploitée contre l’Italie pour pousser France et Angleterre à se considérer comme déliées des engagements de la déclaration de Londres : ce qui eût été d’ailleurs une félonie. Une argumentation sophistiquée, qui ne tient aucun compte du message public de M. Wilson, cause